M. Zefzafi est emprisonné depuis la fin mai, tout comme plus de 150 personnes appartenant au "hirak" ("la mouvance"), le nom donné localement au mouvement de contestation dans le Rif.
Un des avocats de la défense, Said Benhammani, a déclaré à l'AFP à l'issue d'une audition de plus de six heures que "Zefzafi a rejeté devant le juge d'instruction toutes les accusations portées contre lui, et affirmé qu'il avait "signé des PV qu'il n'avait pas lus".
Un autre avocat, maître Abdessadek El Bouchtaoui, a lui déclaré que "les détenus (du "hirak") allaient entamer une grève de la faim illimitée le 17 juillet", jusqu'à ce qu'ils soient libérés.
Il a ajouté que la prochaine audition de Zefzafi aurait lieu jeudi, et que les instructions se poursuivraient jusqu'au 27 juillet.
Les avocats de M. Zefzafi avaient initialement indiqué que son procès devait débuter lundi devant la chambre criminelle de la Cour d'appel de Casablanca.
Le chef de la contestation, aux harangues enflammées dénonçant "l'Etat corrompu", fait face à de lourdes charges, notamment "atteinte à la sécurité intérieure".
- Durcissement -
Depuis la mort atroce d'un vendeur de poisson, broyé accidentellement dans une benne à ordures fin octobre à Al-Hoceïma (nord), ce chômeur de 39 ans menait la fronde contre le "makhzen" (pouvoir), au nom de sa région natale du Rif.
Pendant près de huit mois, la petite ville d'Al-Hoceïma et la localité voisine d'Imzouren ont vibré au rythme de manifestations pacifiques pour le développement d'une région historiquement frondeuse, que ses habitants jugent marginalisée et négligée.
La relance par l'Etat d'un vaste plan d'investissements et de chantiers d'infrastructures --avec des visites répétées de ministres-- n'a toutefois pas suffi à désamorcer la colère.
Le mois de mai a été marqué par un net durcissement des autorités dans la gestion des manifestations, de plus en plus réprimées par des forces de l'ordre désormais omniprésentes dans la province.
Dans la foulée de l'arrestation de Zefzafi, la totalité des figures connues du "hirak" ont été interpellés. Les heurts se sont également multipliés, les policiers tentant tous les soirs d'empêcher ou de disperser les rassemblements de soutien à ces prisonniers.
Selon un dernier bilan officiel, 176 personnes ont été placées en détention préventive. Cent-vingt sont actuellement jugées, des peines allant jusqu'à 20 mois de prison ont été déjà prononcées.
- Discours du Trône -
Sous la pression, les manifestations ont cessé début juillet. Et la tension est retombée d'un cran avec le retrait des policiers de lieux publics emblématiques à Al-Hoceïma et Imzouren, une mesure décidée par le roi Mohammed VI en signe d'apaisement, selon les autorités locales.
Mais le mouvement perdure, avec la poursuite d'attroupements improvisés de jeunes sur les plages, de concerts de casseroles ou de klaxons et toujours la mobilisation sur les réseaux sociaux.
La "libération des détenus" est devenue le nouveau leitmotiv des protestataires, qui s'inquiètent en particulier du sort de Sylia Ziani, figure féminine du "hirak", aujourd'hui en "dépression grave" selon ses avocats.
Samedi soir, une manifestation de soutien à la jeune femme a été violemment dispersée à Rabat.
L'approche "sécuritaire" adoptée par les autorités reste très critiquée par les ONG et la société civile, mais également une partie de la classe politique, qui rappelle le caractère "pacifique" du mouvement et ses revendications "économiques et sociales".
Le débat reste vif sur les suspicions de tortures et de mauvais traitements qu'auraient subis certains détenus, selon leurs proches.
Rabat scrute désormais le retour des Rifains de la diaspora établis en Europe, qui affichent un fort soutien au "hirak", et que Zefzafi avait appelé, avant son arrestation, à une grande marche le 20 juillet.
Attendu également, le traditionnel discours de la fête du Trône, qui sera prononcé par le roi le 30 juillet, et sera consacré cette année à la question du "développement au service des citoyens", a annoncé lundi l'agence de presse MAP (officielle).
Avec AFP