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Massacre de 2009 en Guinée: une soif de justice intacte chez les victimes


Les centaines de parties civiles sont partagées sur les chances d'obtenir réparation du tort qu'elles ont subi dans leur chair ou à travers celle de leurs proches.
Les centaines de parties civiles sont partagées sur les chances d'obtenir réparation du tort qu'elles ont subi dans leur chair ou à travers celle de leurs proches.

Le procès historique du massacre du 28 septembre 2009 en Guinée est entré dans sa deuxième année mardi à Conakry, sans que le temps n'altère la soif de justice de nombreuses victimes à l'encontre de l'ex-dictateur Moussa Dadis Camara et ses dix co-accusés.

Les centaines de parties civiles sont partagées sur les chances d'obtenir réparation du tort qu'elles ont subi dans leur chair ou à travers celle de leurs proches. Mais elles s'accordent sur la satisfaction de voir ceux qu'elles tiennent pour leurs bourreaux dans le box.

Malick Diao Camara sait bien qu'à 60 ans, la condamnation des coupables ne lui rendrait pas les jambes dont il a perdu l'usage à force de coups alors qu'il était un marchand qui se "débrouillait bien". Il ne peut plus subvenir à ses besoins et doute d'obtenir un dédommagement que ni les accusés, ni l'Etat sans doute ne pourraient assumer. Mais il se fait conduire aux audiences par son épouse quand c'est possible pour voir ceux que "l'Histoire a rattrapés" alors qu'à "l'époque, si on te parlait de ces gens-là, tu avais la diarrhée quand tu ne pissais pas dans ton pantalon tellement ils se croyaient des extra-terrestres".

Malick Diao Camara fait partie depuis l'ouverture du procès le 28 septembre 2022 de la foule des anonymes qui vient assister, au rythme de trois jours d'audience par semaine, au spectacle extraordinaire d'un ex-chef de l'Etat et de dix anciens hauts responsables militaires et gouvernementaux rendant des comptes.

Le 28 septembre 2009 et les jours suivants, des membres de la garde présidentielle, des soldats, des policiers et des miliciens réprimant un rassemblement de l'opposition s'étaient livrés avec une brutalité effrénée à des abominations dans un stade de Conakry et alentour.

Au moins 156 personnes ont été tuées par balle, au couteau, à la machette ou à la baïonnette, des centaines blessées et au moins 109 femmes violées, selon le rapport d'une commission d'enquête internationale mandatée par l'ONU. Les exactions ont continué plusieurs jours, contre des femmes séquestrées et des détenus torturés. Les chiffres réels sont probablement plus élevés. C'est l'un des épisodes les plus sombres de l'histoire politique de la Guinée, qui n'en manque pas.

"Qu'il paie"

Depuis un an, un président minutieux et des avocats innombrables interrogent les accusés et les témoins pour établir les responsabilités et chercher à savoir, entre autres, si le capitaine Camara avait donné l'ordre ou son consentement, ou aurait pu empêcher ces atrocités.

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La Guinée suit fascinée les débats retransmis en direct à la télévision. Pour Aïssatou Dramé, infirmière alors âgée de 51 ans, c'est à la fois un réconfort et une épreuve. Violée, elle a en plus été stigmatisée par sa belle-famille et forcée de divorcer.

"Je regarde assises côte à côte des personnes qui se croyaient intouchables en train de méditer leur sort", dit-elle. Mais elle souffre de voir des accusés toujours aussi "arrogants". "De dénégations en dénégations, ils croient que d'autres viendront porter la responsabilité de ces massacres à leur place".

La non-garantie de l'anonymat de toutes les victimes est l'un des soucis des défenseurs des droits humains qui suivent la procédure de près. Le procès a connu des atermoiements, un mouvement de protestation des gardiens de prison chargés d'extraire les détenus, une grève des avocats qui réclamaient d'être payés pour un travail considérable.

La durée en reste indéterminée. Le financement de la suite du procès et, au-delà, d'une éventuelle indemnisation des victimes est un sujet de préoccupation. L'ONG Human Rights Watch a déploré que les accusés ne soient pas poursuivis à ce stade pour crimes contre l'humanité.

Elle et les autres défenseurs des droits humains ainsi que les partenaires internationaux ont cependant souligné le caractère historique de ce procès, le premier du genre dans un pays dirigé pendant des décennies par des régimes autoritaires, où l'impunité de forces de sécurité a été érigée en "institution", selon la commission d'enquête internationale. Ils ont salué les conditions générales dans lesquelles il s'est déroulé jusqu'alors. Les ONG ont insisté sur la valeur d'exemple qu'il pourrait avoir.

Ibrahima Kalil Keïta, 71 ans, dit lui que le procès ne lui restituera pas son fils de 24 ans, fauché par une balle alors que, main dans la main, ils tentaient d'échapper à l'horreur du stade. "A quoi je peux m'attendre, qu'est-ce que ce procès et l'Etat guinéen peuvent nous apporter, à nous les victimes ?" Mais Moussa Dadis Camara est le responsable "et je veux qu'il le paie physiquement en prenant une lourde peine à la hauteur de ses crimes".

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