L’Autorité de régulation de la poste et des télécommunications du Congo (ARPTC) a enjoint les entreprises fournissant le service de téléphone et d’Internet de filtrer ou carrément bloquer toutes communications à travers les réseaux sociaux.
"Nous vous demandons de bien vouloir instruire cos services techniques compétents afin de procéder au blocage momentané de tous les échanges d’images, des vidéos et de la voix via réseaux", indique une lettre adressée aux fournisseurs de téléphone et d’Internet, signée par le responsable de l’ARPTC, Oscar Manikunda Musata.
L’instruction devra, selon la lettre, "entrer en application à dater du 18 décembre 2016 à partir de 23h59’ ".
Sans être exhaustive, la lettre cite entre Facebook, Whatsapp, Instragram, Twitter, Google+, Baidu Tieba, Skype, Viber, Pinterest, Linkedin, Tagged, Badoo, Myspace, Youtube, Video, Buzznet, Flickr, Meetup, Snapfish, Imo.
L’ARPTC demande que dans les fournisseurs de services Internet ou de téléphone bloquent carrément tout accès intégral auxdits réseaux sociaux si un blocage partiel des services suscités ne serait pas possible.
Ces injonctions des autorités congolaises avaient déjà été données verbalement la veille aux entreprises de fournissant l’Internet ou le téléphone dans ce pays mais celles-ci avaient une note écrite détaillant les instructions.
Le représentant d'un opérateur sous couvert d'anonymat a déclaré que les autorités congolaises menacent de révoquer des opérateurs récalcitrants qui n’appliqueraient les instructions.
"L'ARPTC nous a verbalement instruit de filtrer les connexions sur les réseaux sociaux", a indiqué un autre opérateur précisant que "des essais doivent se faire dans la nuit de jeudi à vendredi".
"On nous a demandé de faire du filtrage sur les réseaux sociaux", a dit un troisième opérateur, selon lequel les services de messagerie des réseaux sociaux pourraient dans ce cas fonctionner, mais sans la possibilité d'envoyer "des vidéos, des photos et de la voix".
Des "tests" doivent effectivement être réalisés pour confirmer ou non la faisabilité d'un tel filtrage, a ajouté cet opérateur, précisant qu'en cas d'impossibilité, il n'y aurait d'autre choix que de "couper l'accès" aux réseaux sociaux.
Néanmoins, les opérateurs ont demandé une notification formelle écrite, et non simplement orale de la mesure. "C'est dans l'air, mais nous attendons la confirmation" officielle, a déclaré un quatrième opérateur.
Ministre 'pas informé'
Interrogé par l'AFP, le ministre des Télécommunications, Thomas Luhaka, a indiqué par sms qu'il n'était "pas informé" de ces mesures.
M. Kabila est au pouvoir depuis 2001. Son mandat s'achève le 20 décembre et la Constitution lui interdit de se représenter. La présidentielle n'ayant pas été tenue à temps, il compte se maintenir au pouvoir au-delà du 20 décembre en vertu d'un arrêt controversé de la Cour constitutionnelle.
Les détracteurs de M. Kabila menacent d'appeler à des manifestations dans tout le pays à partir de lundi jusqu'à ce qu'il quitte le pouvoir.
Les réseaux sociaux sont le mode d'accès à l'internet le plus répandu en RDC, pays parmi les moins développés de la planète, en raison de leur facilité d'emploi à partir d'un téléphone, et de leur coût relativement bas pour une population largement miséreuse.
Depuis 2013, plusieurs centaines de personnes ont été tuées dans des violences urbaines à caractère politique à Kinshasa et dans plusieurs villes du pays.
Lors de ces affrontements, les réseaux sociaux ont été le ferment de la mobilisation contre le pouvoir et le théâtre d'une véritable "bataille" destinée à soutenir les accusations réciproques de crimes que se renvoyaient dans ces cas-là le pouvoir et l'opposition.
L'appel à manifester lundi contre M. Kabila est pour l'heure suspendu à des négociations politiques sous l'égide de l'Église catholique en vue de trouver un compromis permettant d'organiser une transition politique jusqu'à l'organisation des élections.
Entamées le 8 décembre, ces négociations sont censées s'achever vendredi mais semblaient dans l'impasse jeudi matin.
Alors que le gouvernement affirme qu'"il ne se passera rien" le 19 décembre et les jours suivants, la communauté internationale craint que le pays, ravagé par deux guerres entre 1996 et 2003 ne replonge dans une spirale de violence incontrôlable faute d'accord politique d'ici à dimanche.
En janvier 2015, lors de violentes émeutes anti-pouvoir, les autorités avaient ordonné une coupure brutale de l'internet pendant 48 heures qui avait complètement paralysé l'économie nationale, les banques notamment ne pouvant plus passer d'opérations. Après le rétablissement d'internet, les réseaux sociaux étaient restés coupés pendant plusieurs semaines.
"Cette fois-ci, les autorités ont compris la leçon", estime un opérateur. "Il ne s'agira pas d'un black-out d'internet qui a causé énormément de tort sur le plan économique", dit un autre.