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750 millions de dollars de recettes minières échappent au Trésor public en RDC


Une vue des installations de Tenke Fungurume Mining dans la province du Lualaba, l'ex-Katanga (sud-est), RDC, 29 janvier 2013.
Une vue des installations de Tenke Fungurume Mining dans la province du Lualaba, l'ex-Katanga (sud-est), RDC, 29 janvier 2013.

La corruption et une mauvaise gestion de la part des administrations fiscales et des entreprises minières publiques de la République démocratique du Congo détournent un cinquième des recettes minières du budget de l’État, selon Global Witness.

Dans son rapport "Distributeur Automatique de Billets du Régime" Global Witness démontre en effet qu’au moins 750 millions de dollars ont manqué à l’appel sur trois ans. Ces sommes auraient dû servir à financer des services publics essentiels en faveur de la population congolaise.

L’annonce de ces conclusions intervient alors que le Congo traverse d’importants troubles politiques depuis que le président Joseph Kabila est resté au pouvoir au-delà des limites de son mandat fin 2016.

"Les recettes minières congolaises devraient contribuer à sortir la population de la pauvreté, mais au lieu de cela, des sommes considérables sont soutirées aux caisses publiques au profit d’administrations qui n’ont aucun compte à rendre et sont gérées par des personnes proches des élites politiques", explique Pete Jones, responsable de campagne de Global Witness.

Le Congo est le premier producteur de cuivre d’Afrique ainsi que le premier fournisseur au monde de cobalt, un élément qui est utilisé pour la fabrication des batteries au lithium-ion des voitures électriques et qui connaît une véritable flambée des prix.

Cela n’empêche pas le Congo de demeurer parmi les pays les plus pauvres au monde. Le rapport "Distributeur Automatique de Billets du Régime" analyse les plus récentes données de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), qui révèlent qu’entre 2013 et 2015, plus de 750 millions de dollars versés par des entreprises minières aux administrations fiscales et entreprises minières publiques du Congo ont échappé au Trésor public.

Ce chiffre atteint même 1,3 milliard de dollars si l’on prend en compte d’autres organismes de l’État ainsi qu’une administration fiscale provinciale qui a été dissoute depuis.

"Certaines des transactions que nous avons examinées semblent attribuer à ces administrations le rôle de distributeur automatique de billets du régime de Kabila", explique Pete Jones. "Si le Congo veut éviter de retomber dans les conflits et le chaos, il faudra que le pays fasse preuve d’une réelle transparence et mette en place un système de responsabilisation dans l’ensemble du secteur minier et des administrations fiscales", préconise-t-il.

Ces conclusions interviennent à un moment où le Congo continue de s’enfoncer dans l’instabilité politique. L’insuffisance chronique de financement des services publics de base, tels que l’éducation, les hôpitaux et les routes, représente l’une des principales causes de mécontentement vis-à-vis du régime.

"Depuis des années, Global Witness et d’autres acteurs documentent les fuites de recettes du secteur minier congolais vers des sociétés-écrans offshore. Nous constatons désormais que même des recettes versées à des organismes d’État au Congo se volatilisent avant même d’atteindre les comptes du Trésor public", ajoute Pete Jones.

L’un des coupables majeurs de ce détournement de fonds est la principale entreprise minière détenue par l’État, la Gécamines. Celle-ci perçoit plus de cent millions de dollars par an de la part d’entreprises privées du secteur minier congolais, mais semble n’en reverser qu’une infime partie aux caisses de l’État. Les plus importantes et plus lucratives relations commerciales de la Gécamines sont celles qu’elle entretient avec de grandes multinationales du secteur minier, dont les bénéfices comme les risques reposent bien souvent sur des investisseurs occidentaux et des fonds de pension.

Alors que sa contribution aux caisses publiques congolaises est minime, la Gécamines a néanmoins trouvé de quoi rembourser des prêts considérables accordés par Dan Gertler, un ami proche du président Kabila. L’une des entreprises de Dan Gertler a été remboursée alors même que le personnel de Gécamines se voyait privé de salaire et que d’autres prêts n’étaient pas honorés.

Les administrations fiscales congolaises ne sont pas non plus innocentes. La législation actuelle les autorise à retenir un certain pourcentage des amendes appliquées, ce qui a donné lieu à des pratiques abusives de maximisation de la rente et à des amendes fictives dans un contexte où ces organismes essayent de gonfler les montants qu’ils peuvent conserver en fonds propres. Tous ces agissements équivalent à une forme de corruption légalisée.

Selon la Constitution congolaise, chaque citoyen congolais a le droit de profiter des bienfaits des richesses nationales du pays et l’État a le devoir de redistribuer équitablement ces richesses et de garantir le droit au développement. Pour la grande majorité des Congolais, ce sont là des formules vides de sens. Des années de mauvaise gestion et de corruption au sein de la Gécamines alliées à un système fiscal fragmenté ont rendu le système vulnérable aux abus des élites politiques cherchant à dériver des fonds du secteur minier.

"La seule manière de mettre fin au détournement de ces fonds essentiels est de réorganiser le système fiscal fragmenté et d’exiger une totale transparence de la part de la Gécamines. Nous devons savoir combien gagne l’entreprise, combien elle paye au fisc et quel est l’objet de ses dépenses", explique Pete Jones.

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