Il arrivait à jongler au pied avec un paquet de cigarettes, mais le tabac, son péché mignon, a eu le dernier mot.
C'est son clan qui a annoncé au monde la mauvaise nouvelle sur les réseaux sociaux officiels du "Hollandais Volant" par ce sobre message: "Le 24 mars 2016, Johan Cruyff (68 ans) est décédé à Barcelone, entouré de sa famille après un dur combat contre le cancer. C'est avec une grande tristesse que nous demandons de respecter l'intimité de sa famille durant le deuil."
Nous ne t'oublierons jamaisMaradona
Les réactions ont immédiatement abondé chez les stars actuelles ou passées du football. Michel Platini, qui évoluait au même poste que lui, celui de meneur de jeu, lui a rendu hommage auprès de l'AFP: "J'ai perdu un ami, le monde a perdu un grand monsieur, je l'admirais, c'était un joueur d'exception, c'était le meilleur joueur de tous les temps."
"Nous ne t'oublierons jamais" a lancé Maradona. "Une autre légende nous quitte", a regretté Lionel Messi, astre du Barça, club où a joué et entraîné Cruyff. "Il était non seulement un très bon ami mais aussi comme un frère pour moi", s'est désolé Franz Beckenbauer.
"Johan Cruyff a donné au football une touche unique que certains essaient de copier", a aussi confié à l'AFP l'ancien président de la Fifa, Joseph Blatter. Le président actuel de l'institution internationale, Gianni Infantino, a déploré la disparition d'un "joueur magnifique".
Que retenir de Cruyff ? Une gestuelle inimitable, le premier joueur à avoir guidé le jeu d'une équipe avec un port de tête altier, le regard portant loin devant, à l'Ajax Amsterdam (1964-1973) et en sélection des Pays-Bas (1966-1977).
- Trois Ballons d'or -
"Football moderne" fut l'autre terme le plus souvent accolé à ce joueur longiligne au nez aquilin, dont le numéro 14 à l'Ajax est resté dans la légende. Avec l'équipe d'Amsterdam, sa ville natale, il a, entre autres, remporté trois Coupes d'Europe, l'équivalent de l'actuelle Ligue des champions.
Si Thierry Henry, ex-grand attaquant de l'équipe de France et d'Arsenal, a voulu ce numéro, 14, c'est à cause de lui.
Le Néerlandais a aussi aligné dans son armoire à trophées, trois Ballons d'Or (il fut le premier à en gagner trois), la plus grande distinction individuelle pour un joueur (1971, 1973, 1974), récompense logique pour celui qui avait révolutionné le poste de meneur de jeu, de chef d'orchestre d'une équipe.
Belle revanche pour ce garçon qui, avant de devenir professionnel à l'âge de 17 ans, nettoya un temps les vestiaires de l'Ajax.
Le finaliste du Mondial-1974 (épreuve qu'il n'a jamais gagnée en dépit de son immense talent et d'une sélection néerlandaise qui donnait l'impression d'être partout sur le terrain) avait révélé en octobre 2015 être atteint d'un cancer des poumons.
Grand fumeur (deux cigarettes par mi-temps quand il était joueur selon la légende), il avait abandonné le tabac en 1991 à la suite d'une intervention chirurgicale au coeur. On se souvient d'une campagne anti-tabac télévisée où on le voyait jongler au pied avec un paquet de cigarettes avant de le dégager d'une jolie reprise de volée.
- 'Un jour triste pour le football' -
Il y a un peu plus d'un mois, Cruyff avait donné des nouvelles, à l'époque rassurantes: "J'ai l'impression de mener 2-0 en première période d'un match que je suis sûr que je finirai par gagner."
"Après plusieurs séances de traitements médicaux, je peux dire aujourd'hui que les résultats sont très positifs grâce à l'excellent travail des docteurs, à la gentillesse des gens et à mon mental positif", assurait-il encore dans un communiqué publié par sa société Cruyff Management.
"Entre deux bouffées de cigarettes, il parlait toujours des jeunes, de la formation, de l'éducation par le football", a raconté Platini à l'AFP. "Il ne faut pas oublier que c'est lui qui a donné sa philosophie et son style à Barcelone quand il a entraîné ce club", souligne encore l'ancien capitaine des Bleus. Cruyff est d'ailleurs décédé à Barcelone, ville d'un club où il avait joué (1973-1978) et qu'il avait aussi entraîné (1988-1996).
L'homme avait du caractère. On se souvient qu'il avait renoncé à la sélection des Pays-Bas en raison d'un conflit avec sa Fédération. "Pour son dernier match, il s'est fait exclure car il a engueulé l'arbitre, il faut le faire pour son dernier match!", rappelle encore Platini à l'AFP, avant de conclure: "Aujourd'hui, c'est un jour triste pour le football."
Avec AFP