Après des mois de manifestations violentes, le Frelimo, aux manettes du pays lusophone d'Afrique australe depuis son indépendance il y a un demi-siècle, espérait une accalmie cette semaine avec l'installation du Parlement lundi, suivi de l'investiture mercredi de Daniel Chapo à la tête de l'Etat. Mais "Venancio", comme l'appelle la rue, ne désarme pas, appelant à une mobilisation "pacifique" pour refuser une nouvelle fois des résultats électoraux selon lui biaisés par des institutions électorales et judiciaires trop proches du pouvoir.
Des barricades de ses partisans restreignaient lundi l'accès à la capitale Maputo aux rues largement vides, a constaté une équipe de l'AFP. Selon son propre décompte, Venancio Mondlane aurait obtenu 53% des voix à la présidentielle et serait le "président élu du peuple mozambicain".
Selon les résultats confirmés avant Noël par la plus haute cour du pays, le nouveau Parlement se compose ainsi: 171 pour le Frelimo, 43 pour Podemos, petit parti devenu la première formation d'opposition, ainsi que 28 sièges pour la Renamo, parti d'opposition historique issu de la guerre civile, et huit pour le MDM également de l'opposition.
La politique de la chaise vide, annoncée par la Renamo et le MDM s'est matérialisée par des dizaines de sièges déserts devant les caméras de télévision lundi. Pour la Renamo, cette cérémonie représente un "manque de respect à l'égard de la volonté des Mozambicains", privés d'élections "libres équitables et transparentes", a expliqué dimanche son porte-parole Marcial Macome.
Malgré ce boycott, le futur président Daniel Chapo a dit espérer lundi une "excellente collaboration" entre tous les "groupes parlementaires". "L'appel que je voudrais lancer en ce moment", a-t-il ajouté devant les journalistes en arrivant à l'Assemblée, "est vraiment la nécessité de maintenir la paix, la stabilité sociale, économique et politique dans notre pays".
Sans surprise, la candidate du Frelimo Margarida Talapa, 62 ans, a été élue présidente du Parlement avec 169 voix. Ministre du Travail lors de la précédente législature, elle a conclu son discours par un "mot de solidarité aux familles qui ont perdu leurs proches en ce moment particulièrement difficile pour le pays".
Venancio Mondlane, ancien parlementaire et chroniqueur télé de 50 ans, est rentré au Mozambique jeudi après deux mois et demi d'exil, dans un lieu tenu secret, car il craignait pour sa sécurité après l'assassinat de deux de ses proches en octobre.
"Grève nationale"
Des milliers de partisans dans la capitale Maputo ont fêté son retour mais ces manifestations de joie se sont rapidement transformées en affrontements avec la police antiémeute, faisant plusieurs morts.
Depuis octobre, les violences post-électorales – qui ont évolué vers une contestation plus globale du pouvoir et des dysfonctionnements de l'Etat dans ce pays pauvre et fortement inégalitaire – ont fait quelque 300 morts, selon une ONG mozambicaine. Ces troubles pèsent sur l'économie, en perturbant notamment les échanges avec l'Afrique du Sud voisine, affectant le ravitaillement en essence, les transports ou l'industrie.
De lundi à mercredi, "ces trois jours sont importants pour décider ce que le peuple veut pour son avenir", a affirmé tard samedi l'opposant, très suivi sur les réseaux sociaux. "Nous devons déclarer une grève nationale" et "paralyser les activités pendant ces trois jours". "Lundi, nous devons brandir nos pancartes partout où nous nous trouvons pour manifester notre refus. Si l'Assemblée prête serment, c'est une trahison de la volonté du peuple", affirme-t-il encore.
Venancio Mondlane s'était présenté à l'élection présidentielle en cavalier seul, adossé au parti Podemos.
A son arrivée à l'aéroport de Maputo jeudi, en costume chic, lunettes noires et un collier de fleurs blanches autour du cou, il s'était dit prêt à dialoguer avec le pouvoir. S'adressant au Frelimo, face aux caméras de télévision, il avait déclaré: "Je suis donc ici, en chair et en os, pour dire que si vous voulez négocier (...), je suis là".
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