Fuyant ces violences, 500.000 personnes ont quitté leurs villages dans la province de Cabo Delgado (Nord-Est), frontalière avec la Tanzanie, selon le gouvernement. Le nombre de "déplacés" y a quadruplé cette année, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). Et sa capitale Pemba est passée de 200.000 habitants avant la crise à quelque 350.000, selon une récente mission épiscopale.
Le conflit a fait 2.400 morts, dont une moitié de civils, selon l'ONG ACLED, qui répertorie aussi plus de 700 attaques depuis octobre 2017.
Attaques récentes
L'armée dit avoir repris jeudi, après deux jours d'intenses combats, le village de Mute situé à une vingtaine de km d'importantes installations de gaz naturel, projet auquel participe notamment le groupe français Total.
Au début du mois, 25 soldats ont été tués dans une embuscade.
En novembre, des médias locaux ont avancé que des dizaines de personnes avaient été tuées, certaines décapitées, dans des villages du district de Muduimbe, y compris sur un terrain de foot. Impossible de confirmer ces informations de façon indépendante, mais le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a exhorté le Mozambique à enquêter.
Récemment, les groupes armés se sont aussi dangereusement approchés de Mueda, QG de l'armée dans la région et symbole, car c'est le lieu de naissance du président Filipe Nyusi.
Qui contrôle quoi?
Les groupes armés, qui ont fait en 2019 allégeance à l'organisation Etat islamique (EI), ont déjà mené des attaques dans 10 des 17 districts de la province. Ils contrôlent une bonne partie de la zone côtière, selon des sources militaires, y compris le port de Mocimboa da Praia, pris en août, crucial pour l'arrivée du matériel nécessaire aux installations gazières.
Ces dernières semaines, les attaques se propagent à l'intérieur des terres, comme à Muidumbe. Le commandant de police Bernardino Rafael a affirmé en novembre que l'armée avait repris ce district, après les nouvelles des décapitations. "Les terroristes sont en difficulté, ils n'ont rien à manger", avait-il assuré. Mais les attaques se sont poursuivies, à un rythme plus soutenu encore.
Le gouvernement chercherait à entraîner des forces spéciales, y compris à l'étranger, préparant "une offensive majeure pour reprendre Mocimboa da Praia", avance Sérgio Chichava, chercheur à Maputo.
En attendant, l'action des soldats et policiers semble brouillonne, plusieurs sources affirmant qu'ils sont peu formés et souvent débordés. "L'Etat est à la fois répressif et absent", résume un expert français de sécurité qui connaît bien la zone. "Il manifeste la force des faibles. Il tape sans distinction avant de disparaître".
Projet de gaz liquide
La péninsule d'Afungi, centre névralgique des installations gazières, "est une bulle sécurisée, une sorte de Fort Apache assiégé", résume cet expert. "Les jihadistes attaquent les voies routières et maritimes, mettant de facto un blocus en place", notait-il dès octobre, ce que confirme l'évolution sur le terrain.
Mute, repris jeudi par l'armée, a longtemps servi de zone tampon entre le projet gazier archi-protégé et le port de Mocimboa da Praia, aux mains des jihadistes.
Ces combats ont conduit Total à suspendre les travaux de construction sur le site, ont affirmé des sources mozambicaines. Le géant pétrolier, qui a annoncé en juillet la signature d'un accord de financement de 13 milliards d'euros pour ce projet d'exploitation des réserves de gaz découvertes offshore, n'a pas confirmé, se contentant de déclarer à l'AFP "suivre" la situation de près.
