Placé en résidence surveillée dans la nuit de mardi à mercredi, le chef de l'Etat, 93 ans, a rencontré pour la première fois jeudi après-midi le chef de l'armée, le général Constantino Chiwenga, au siège de la présidence à Harare, a rapporté à l'AFP une source proche des militaires.
"Ils se sont rencontrés aujourd'hui. Il a refusé de démissionner, je pense qu'il essaie de gagner du temps", a déclaré cette source sous couvert de l'anonymat.
Deux ministres sud-africains dépêchés par le président Jacob Zuma ont également participé à la réunion, selon un porte-parole du ministère des Affaires étrangères à Pretoria qui n'a donné aucun détail sur la teneur de leurs discussions.
Des images diffusées après la rencontre ont montré le président Mugabe dans une veste bleu marine et un pantalon gris aux côtés du général Chiwenga, tout sourire dans son treillis.
L'armée est intervenue quelques jours après l'éviction la semaine dernière du vice-président Emmerson Mnangagwa, qui s'était longuement opposé à la Première dame Grace Mugabe pour la succession du président.
Vétéran de la lutte pour l'indépendance et proche des militaires, M. Mnangagwa, 75 ans, faisait figure jusque-là de dauphin potentiel de M. Mugabe.
Des soldats et des blindés sont déployés depuis mercredi matin autour de plusieurs points stratégiques de la capitale.
Transition et élections
Un porte-parole des militaires, le général Sibusiyo Moyo, a expliqué que l'opération avait pour seules cibles les "criminels" qui entourent M. Mugabe, en clair les partisans de son épouse.
Ce coup de force de l'armée, l'un des piliers du régime, fait vaciller le règne du plus vieux dirigeant en exercice de la planète.
M. Mugabe avait annoncé son intention de briguer, malgré son âge et sa santé de plus en plus fragile, un nouveau mandat lors de l'élection présidentielle prévue en 2018.
Jeudi, plusieurs voix de l'opposition sont sorties de leur silence pour exiger à leur tour son départ et une transition vers des élections libres.
"Dans l'intérêt du peuple zimbabwéen, Robert Mugabe doit démissionner", a déclaré Morgan Tsvangirai, le chef du Mouvement pour un changement démocratique (MDC), le principal parti de l'opposition.
"Il ne fait aucun doute qu'il nous faut un accord de transition qui doit traiter de la reprise économique et de la réforme électorale", a renchéri l'ex-vice-présidente Joice Mujuru, écartée en 2014 sur ordre, elle aussi, de Grace Mugabe.
Emblème de la fronde qui a secoué le pays en 2016, le pasteur Evan Mawarire s'est dit prêt à discuter avec l'armée. "En tant que citoyens, nous ne pouvons rester les bras croisés", a-t-il plaidé sur Facebook, "nous devons participer".
Selon les analystes, les militaires sont déterminés à sortir rapidement de la crise.
"Ils veulent que Mugabe signe sa démission au plus vite", a commenté à l'AFP Knox Chitiyo, du centre de réflexion britannique Chatham House. "Ensuite ils veulent un président de transition, qui serait probablement Mnangagwa".
'Coup d'Etat'
La communauté internationale continue à suivre de près la situation au Zimbabwe, inquiète de l'intervention de l'armée.
"Nous n'accepterons jamais le coup d'Etat militaire", a averti jeudi le chef de l'Etat guinéen Alpha Condé, président en exercice de l'Union africaine (UA). "Nous exigeons le respect de la Constitution, le retour à l'ordre constitutionnel", a-t-il ajouté.
Fidèle soutien de M. Mugabe, le président sud-africain Jacob Zuma s'est dit dès mercredi "très préoccupé" par la situation.
A l'issue d'une réunion en urgence au Botswana jeudi, la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC) qu'il préside a appelé les protagonistes de la crise "à régler les défis politiques par des moyens pacifiques" en respectant la Constitution du Zimbabwe.
L'organisation régionale a annoncé la tenue d'un "sommet extraordinaire urgent" à une date à préciser.
A Harare, l'intervention des militaires a été accueillie avec flegme par les habitants, qui ont continué jeudi à travailler ou à vaquer à leurs occupations comme si de rien n'était.
Certains se sont réjouis d'entrevoir le départ du président.
"Nous espérons que le Zimbabwe sera meilleur une fois sorti de l'ère Mugabe", a confié à l'AFP Tafadzwa Masango, un chômeur de 35 ans. "Notre situation économique se dégrade de jour en jour, il n'y a plus d'emploi, plus de travail."
Le Zimbabwe est plongé depuis le début des années 2000 dans une crise économique et financière catastrophique qui nourrit la colère de la population contre le régime.
L’UA s'en remet à la médiation de l'Afrique australe
L'Union africaine (UA) compte sur les efforts de l'Afrique australe pour trouver une "solution" à la crise au Zimbabwe, a déclaré jeudi à la presse à Washington son commissaire pour la Paix et la Sécurité Smaïl Chergui.
"Nous soutenons totalement les efforts de la SADC (Communauté de développement d'Afrique australe)", a-t-il dit, "nous suivons leurs efforts en temps réel".
"Pour l'instant, nous espérons que la SADC réussira à apaiser les tensions et à promouvoir une solution, une solution pacifique à ce qui se passe là-bas", a-t-il ajouté en marge d'une rencontre entre la Commission de l'UA et le département d'Etat américain.
La situation était confuse jeudi au Zimbabwe, où l'armée a pris le contrôle de Harare, la capitale, mais où le président Robert Mugabe, placé en résidence surveillé, refuse de renoncer au pouvoir.
La SADC, dont des émissaires ont pu rencontrer le président âgé de 93 ans, s'est réunie en urgence jeudi au Botswana, où elle a appelé les protagonistes de la crise "à régler les défis politiques par des moyens pacifiques" en respectant la Constitution du Zimbabwe. L'organisation régionale a annoncé la tenue d'un "sommet extraordinaire", sans fixer de date.
A Washington, Smaïl Chergui s'est montré moins alarmiste que le président en exercice de l'UA, le chef de l'Etat guinéen Alpha Condé, qui avait dénoncé "un coup d'Etat". "Au moment où nous parlons, le Parlement est toujours en fonctions et continue de travailler, le gouvernement continue de travailler, il n'y a pas de signes de violences dans le pays", a semblé relativiser le commissaire de l'organisation panafricaine, tout en assurant rester "vigilant".
A ses côtés, un haut responsable du département d'Etat américain chargé des affaires africaines, Donald Yamamoto, a dit partager la position de l'UA et a plaidé, au-delà de la crise actuelle, pour que le Zimbabwe adopte des réformes économiques, politiques et constitutionnelles afin d'obtenir une levée des sanctions américaines le visant.
Avec AFP