Moshé Yaalon a rendu M. Netanyahu furieux, selon la presse, en encourageant les officiers dans un discours dimanche à être non seulement des chefs militaires, mais aussi des éducateurs, et à dire ce qu'ils pensent, quitte à contredire leurs supérieurs ou leurs dirigeants politiques.
M. Netanyahu a convoqué son ministre. Les deux hommes ont "clarifié les choses", ont-ils dit dans un communiqué commun. "Il ne fait aucun doute, et il n'a jamais fait aucun doute, que l'armée est subordonnée à la direction politique et que les officiers sont libres d'exprimer leur opinion là où il est approprié de le faire", ont-ils dit.
L'armée, institution puissante et incontournable dans un pays constamment sur le pied de guerre où les hommes font 32 mois de service militaire et les femmes deux ans, est depuis des semaines au coeur du débat sur ses valeurs morales, sa liberté de parole et sa place dans une société que beaucoup juge de plus en plus crispée.
L'armée, accusée par les Palestiniens de crimes de guerre dans la bande de Gaza ou d'usage excessif de la force en Cisjordanie soumise à son occupation, s'est retrouvée vis-à-vis des Israéliens et de l'un des gouvernements plus à droite de l'histoire d'Israël dans "la position improbable de représenter la voix de la raison et de la retenue", écrivait récemment le quotidien de gauche Haaretz.
Les querelles se sont succédé. Le 17 février, en pleine vague d'attaques palestiniennes, le chef d'état-major Gadi Eisenkot suscitait la controverse en déclarant ne pas vouloir voir ses soldats "vider (leur) chargeur" sur une fille de 13 ans armée de ciseaux.
Les généraux ont ensuite fait front face à une partie de l'opinion et de la droite, y compris au sein du gouvernement, pour faire traduire en justice un soldat accusé d'avoir achevé un assaillant palestinien qui ne semblait plus poser de danger le 24 mars à Hébron, en Cisjordanie.
Le 4 mai, c'était le chef d'état-major adjoint Yaïr Golan qui provoquait une levée de boucliers en dressant un parallèle, la veille de la journée de la Shoah, entre les "processus nauséabonds" à l'oeuvre dans l'Allemagne nazie et certains "signes" observés en 2016 en Israël.
- Valeurs morales et politique politicienne -
M. Yaalon avait soutenu les généraux. M. Netanyahu, lui, avait jugé "choquants" les propos de Yaïr Golan. Dans le cas du soldat de Hébron, devant la mobilisation en sa faveur, il avait nuancé son soutien initial à l'état-major et parlé au père du soldat.
M. Netanyahu croyait ces disputes closes. M. Yaalon les a rouvertes dimanche en déclarant à une assemblée d'officiers: "Continuez à dire ce que vous pensez et faites-le même si vos propos ne font pas partie du courant majoritaire ou des positions et des idées de vos commandants ou de la direction politique".
M. Yaalon a paru faire écho au chef d'état-major adjoint Golan en disant perdre le sommeil devant les conséquences "catastrophiques" qu'aurait une "érosion" des valeurs morales au sein de l'armée et de la société.
M. Netanyahu aurait perçu ces propos comme une remise en cause de la primauté du politique sur le militaire, et comme une attaque personnelle contre un manque de soutien de sa part à l'armée.
Le quotidien Maariv parlait de "guerre culturelle" au sein du gouvernement, qui, à côté du Likoud de droite de M. Netanyahu, fait la part belle aux nationalistes religieux. "C'est la guerre d'un petit nombre contre un bien plus grand nombre. Yaalon est quasiment seul", écrivait le journal.
Au-delà des valeurs morales, la presse conjecturait sur des motivations plus politiciennes chez M. Yaalon, Il s'inquièterait des manoeuvres de M. Netanyahu pour élargir sa majorité parlementaire, qui ne tient qu'à une voix.
Le microcosme est agité par les efforts que mènerait M. Netanyahu pour attirer soit le chef du Parti travailliste Isaac Herzog, soit Avigdor Lieberman, figure de la droite dure. Le portefeuille de la Défense serait pour eux un appât considérable.
Avec AFP