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Niger: la difficile lutte contre Boko Haram


Soldats camerounais de la Brigade d'intervention rapide, Kolofata, Cameroun, le 16 mars 2016. (REUTERS/Joe Penney )
Soldats camerounais de la Brigade d'intervention rapide, Kolofata, Cameroun, le 16 mars 2016. (REUTERS/Joe Penney )

Après l'attaque massive début juin de la ville de Bosso, dans le sud-est du Niger, les djihadistes nigérians de Boko Haram qu'on disait affaiblis ont démontré qu'ils disposaient encore des capacités de nuisance importantes. Mais de nombreuses zones d'ombre entourent le groupe.

Forts ou faibles?

Le groupe islamiste a lancé une offensive d'ampleur sur Bosso, avec plusieurs centaines d'éléments. Ceux-ci ont facilement débordé les forces nigériennes : 24 soldats nigériens et deux nigérians ont été tués. Une démonstration de force qui a marqué les esprits et conduit près de 50.000 personnes à fuir.

"Si Boko Haram est fort, c'est surtout parce que les armées de la région à l'exception du Tchad sont faibles", souligne une source militaire rappelant que Boko Haram avait déjà pris Bosso en 2015. Le harcèlement, les attaques et incursions sont incessantes autour du lac Tchad.

Boko Haram s'est aussi régulièrement emparé de véhicules, armes, uniformes des armées qu'il combat. Le groupe a aussi pillé d'importants stocks d'armement moderne de l'armée nigériane.

"Boko Haram n'est plus capable de frapper N'Djamena", la capitale du Tchad, et "ne va plus dans les grandes villes", résume le général français Patrick Brethous, commandant de l'opération anti-djihadiste Barkhane au Sahel. "Cette menace n'est pas éradiquée, mais (elle) est diminuée et Boko Haram a une capacité de nuisance".

Qui dirige?

La nébuleuse Boko Haram - qui sévit principalement au carrefour du Niger, du Nigeria, du Tchad et du Cameroun - reste peu connue. Il est difficile de savoir qui en est le chef depuis la disparition médiatique de son chef Abubakar Shekau.

Shekau apparaissait affaibli dans une vidéo en avril. Certaines sources pensent qu'il est "peut-être mort de maladie" et a laissé la place à d'autres, notamment au Camerounais Babagana (Ba'na) Bulachira (ou Bachera). D'autres estiment n'avoir aucune preuve d'une éventuelle succession. En tout état de cause, le groupe est fragmenté et dispose de commandants régionaux, disposant d'une réelle indépendance opérationnelle.

Changement de méthode?

A Bosso, Boko Haram ne s'est pas attaqué directement aux populations même s'il a fait des victimes collatérales. Le 16 juin, des éléments du groupe ont tué sept gendarmes à Nguaguam, tout en assurant à la population qu'ils ne s'en prendraient pas aux civils. Certains y voient un changement de modus operandi, contrastant avec les massacres passés.

Pour le chercheur Marc-Antoine Pérouse de Montclos, spécialiste du groupe, "cela ressemble surtout à un retour à 2012". A l'époque, Boko Haram s'en prenait surtout aux forces de sécurité ou aux "collaborateurs". Le groupe est ensuite passé à une "stratégie de la terreur" pour lutter contre les milices et décourager les collaborateurs.

Combien sont-ils?

C'est une des grandes questions. Les estimations varient entre 5.000 et plusieurs dizaines de milliers de combattants. Une des forces du groupe --qui complique les estimations -- est que ses éléments peuvent se fondre dans la population dont ils sont issus. Ils bénéficient de complicités locales qui vont d'un soutien actif (approvisionnement en nourriture, renseignement) jusqu'à la simple bienveillance. "Boko Haram est partout. Ils ont des complices dans la population, dans les camps de réfugiés et de déplacés", admet une source nigérienne.

Moussa Yangari, figure de la société civile nigérienne, souligne que la force de Boko Haram coïncide avec l'absence de l'Etat.

"L'armée et les autorités sont souvent mal acceptées. Il n'y a pas forcément une adhésion au projet" de Boko Haram "mais une certaine sympathie qui peut aller plus loin", dit-il. Il rappelle que la décision des autorités nigériennes d'évacuer les zones du lac Tchad où travaillaient des pêcheurs et agriculteurs a été mal vécue par les déplacés qui se retrouvent sans ressources et à mendier. Il dénonce aussi la corruption et le manque de justice: "On ne peut pas régler le problème de Boko Haram, sans régler ses causes".

Les milices?

Au Niger, des milices anti-Boko Haram, "se mettent en place sans les autorités, mais on ne va pas les interdire. Elles peuvent apporter quelque chose", confie un haut responsable de la sécurité. Mais, comme le souligne M. Pérouse de Monctlos: "Il n'y a pas de coordination entre les forces de sécurité et les milices. Il y a déjà eu des exactions. Certains groupes sont aussi récupérés par des caciques locaux. Les milices peuvent devenir partie du problème". Le risque est aussi que l'armée fasse "une guerre par procuration".

La force multinationale?

La force mixte de 8.500 hommes qui regroupe Niger, Tchad, Nigeria, Cameroun, et désormais le Bénin, n'a jusqu'ici pas fait preuve d'une grande coordination. Le Niger avait promis une offensive coordonnée pour prendre le groupe en tenaille, reprenant des annonces similaires faites par d'autres pays. Si le Tchad est déjà intervenu chez ses voisins, une grande offensive est toujours attendue. Des sources militaires notent toutefois une meilleure coordinations des moyens aériens.

Avec AFP

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