Amnesty International s'est insurgé lundi contre la réintégration dans l'armée nigériane d'un général soupçonné par l'ONG d'être responsable du meurtre de milliers de prisonniers dans le cadre de la lutte contre le mouvement islamiste Boko Haram.
L'organisation de défense des droits de l'homme avait réclamé en juin dernier l'ouverture d'une enquête sur le général Ahmadu Mohammed et huit autre hauts gradés nigérians, et leur possible implication dans des crimes de guerre, incluant la mort de plus de 8.000 détenus.
Amnesty précise que cet officier, démis de ses fonctions au printemps 2014, vient d'être réintégré le 17 janvier. L'armée nigériane a confirmé et justifié lundi à l'AFP sa réintégration.
"Les accusations contre le général Mohammed restent des accusations, jusqu'à ce qu'elles soient prouvées (...) on ne peut pas punir des hommes et des officiers qui sacrifient leur vie pour défendre leur mère patrie contre les terroristes juste parce qu'Amnesty le demande", a déclaré Rabe Abubakar, porte-parole des armées.
Pour Amnesty, il existe suffisamment de preuves pour que la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye lance une enquête sur ces militaires.
Ahmadu Mohammed avait la responsabilité de la 7e Division de l'armée nigériane quand les forces armées ont, selon l'ONG, exécuté plus de 640 prisonniers à la suite d'une attaque de Boko Haram, le 14 mars 2014, sur le centre de détention dans la caserne de Giwa, à Maiduguri, capitale de l'Etat de Borno (nord-est).
"Le général Mohammed doit faire l'objet d'une enquête pour sa participation, son approbation ou son incapacité à empêcher la mort de centaines de personnes", estime le secrétaire général d'Amnesty, Salil Shetty, dans un communiqué lundi.
"De jeunes hommes ou des enfants, raflés par l'armée, ont été tués, affamés, étouffés ou torturés à mort et personne n'a encore eu de comptes à rendre", a poursuivi M. Shetty, trouvant "inimaginable que le général Mohammed puisse à nouveau commander des troupes avant le début de toute investigation".
Dans son rapport détaillé de 2015, Amnesty avait dénombré plus de 7.000 personnes mortes de faim, d'étouffement ou de tortures lors de leur détention dans des camps militaires au Nigeria depuis mars 2011. Quelque 1.200 autres auraient été enlevés et exécutés.
"Sept mois après la publication de ces découvertes atroces et l'engagement du président à les examiner, nous continuons de réclamer le lancement d'une enquête indépendante", a ajouté M. Shetty.
Depuis la publication de ce rapport, quatre des responsables militaires cités ont pris leur retraite, selon l'ONG, tandis que deux autres avaient déjà quitté leurs fonctions. La situation de deux derniers est inconnue.
Selon M. Abubakar, l'armée a mené des enquêtes après des accusations de violation des droits de l'hommes par ses troupes dans le cadre de la lutte contre Boko Haram. Quelque 3.000 soldats démis ont été réintégrés au terme de ces enquêtes.
La CPI a ouvert une enquête préliminaire sur l'insurrection de Boko Haram, qui a déjàtué au moins 17.0000 personnes depuis 2009 selon Amnesty.
En revanche, elle a déjà indiqué qu'il n'y avait pas suffisamment de preuves établissant le lien entre l'armée nigériane et des atrocités systématiques et organisées contre des civils.
AFP