"Sera-ce la fin des armes nucléaires ou notre fin à nous ?", a lancé Beatrice Fihn, la directrice de la Campagne internationale pour l'abolition des armes nucléaires (ICAN), lors d'une cérémonie à Oslo.
ICAN a reçu le Nobel en présence de survivants des bombardements de Hiroshima et Nagasaki qui avaient fait environ 220.000 morts il y a 72 ans, alors même que la planète est aujourd'hui confrontée à un nouveau péril nucléaire.
La Corée du Nord a ces derniers mois multiplié les tirs de missiles et les essais nucléaires, tout en échangeant des menaces belliqueuses avec Donald Trump, lequel a ordonné des manoeuvres militaires dans la région.
"La manière rationnelle de procéder est de cesser de vivre dans des conditions où notre destruction mutuelle ne tient qu'à un coup de sang", a souligné Mme Fihn, en appelant à débarrasser la planète des armes atomiques.
"Leur existence incite les autres à se joindre à la course nucléaire. Elles ne nous protègent pas, elles poussent au conflit", a-t-elle affirmé.
Coalition regroupant près de 500 ONG dans une centaine de pays, ICAN a oeuvré en faveur d'un traité d'interdiction de l'arme atomique, adopté en juillet par 122 États. Historique, ce texte est affaibli par l'absence des neuf puissances nucléaires parmi les signataires.
"Le message principal d'ICAN est que le monde ne peut jamais être sûr aussi longtemps que nous avons des armes nucléaires", a souligné la présidente du comité Nobel, Berit Reiss-Andersen, dans son discours de remise du Nobel.
"Ce message résonne auprès de millions de personnes qui ont le sentiment que la menace d'une guerre nucléaire est la plus élevée depuis longtemps, surtout à cause de la situation en Corée du Nord", a-t-elle ajouté.
- "Enfer sur Terre"-
Dans un signe de défiance apparent, les puissances nucléaires occidentales (États-Unis, France, Grande-Bretagne) ont, contrairement à l'usage, décidé de ne pas envoyer leur ambassadeur à la cérémonie mais des diplomates de second rang.
Pour elles, l'arme atomique est un outil dissuasif qui permet d'éviter les conflits et dont il n'est pas question de se défaire tant que d'autres pays cherchent à s'en doter.
Mais Mme Reiss-Andersen a fait valoir les risques liés à d'éventuels "dirigeants irresponsables", à "des erreurs techniques ou humaines", à des sabotages "par des hackers au nom d'États hostiles, de terroristes ou d'extrémistes".
"Les armes nucléaires sont si dangereuses que la seule mesure responsable est d'oeuvrer à leur démantèlement et leur destruction", a-t-elle dit.
Rescapée d'Hiroshima, Setsuko Thurlow, a reçu le Nobel au nom d'ICAN conjointement avec Mme Fihn.
Devant le roi de Norvège et la Première ministre Erna Solberg, elle a relaté les horreurs glaçantes qu'elle a vues après le premier bombardement atomique de l'Histoire le 6 août 1945 alors qu'elle n'avait que 13 ans.
Elle a raconté les morts omniprésents, les faibles appels à l'aide des mourants, les survivants formant "une procession de fantômes", les membres en lambeaux, les yeux énucléés ou encore les intestins sortant des estomacs béants.
"C'était l'enfer sur Terre", a confié cette femme de 85 ans lors d'un entretien avec l'AFP.
Bien que la quantité d'ogives nucléaires sur la planète ait fondu depuis la fin de la Guerre froide, leur nombre reste estimé à 15.000 et de plus en plus de pays en détiennent.
"Neuf nations menacent encore d'incinérer des villes entières, de détruire la vie sur Terre, de rendre notre beau monde inhabitable pour les futures générations", a déploré Mme Thurlow.
"Les armes nucléaires ne sont pas un mal nécessaire, elles sont le mal ultime", a-t-elle lancé.
Les autres prix Nobel (littérature, physique, chimie, médecine et économie) seront remis à 16H30 à Stockholm. Ils consistent en un diplôme, une médaille d'or et un chèque de 9 millions de couronnes suédoises (environ 905.000 euros).
Avec AFP