"Nous sommes en position de stand-by depuis 08H00 (06H00 GMT) du matin hier (lundi, NDLR), à exacte distance entre Malte et l'Italie", affirme Aloys Vimard, joint mardi par téléphone sur le bateau.
Le navire affrété par SOS Méditerranée et Médecins sans frontières (MSF) a secouru au large de la Libye 141 migrants, avec "73 mineurs dont 67 non accompagnés", ce qui est "énorme", ajoute-t-il. "Sur le bateau, une personne sur quatre a entre 13 et 15 ans, est non accompagnée, et vient d'Erythrée ou de Somalie", deux pays de l'instable Corne de l'Afrique.
La Somalie, privée de véritable Etat central depuis la chute de Siad Barre en 1991, est depuis plongée dans le chaos et la violence entretenus par milices claniques, gangs criminels et groupes islamistes. En octobre 2017, elle a subi le pire attentat de son histoire (500 personnes tuées).
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L'Erythrée, où le service militaire pour les jeunes, d'une durée indéterminée, s'apparente souvent à du travail forcé, est considéré comme l'un des pays les plus répressifs au monde.
Parmi les enfants à bord de l'Aquarius, "deux ont moins de 5 ans et trois moins de 13 ans". Si les autres sont plus âgés, "ce sont des jeunes, ils restent fragiles, avec des sensibilités d'enfants", poursuit Aloys Vimard. Lundi, "on a organisé un basket, en gonflant un gant en plastique, ça a très bien pris".
"Mais ils sont passés par des épreuves telles qu'ils ont une maturité impressionnante et une résilience incroyable", décrit-il, en donnant l'exemple de ce jeune de 13 ans "dont les parents ont été tués devant lui en Somalie" et qui a été "torturé pendant des mois avec des chocs électriques en Libye". "Il a finalement été libéré parce qu'il avait demandé à ses gardiens de le tuer pour en finir", raconte M. Vimard.
Alors que le navire est "immobile en mer depuis plus de 24 heures", les membres d'équipage s'emploient à rassurer les rescapés: "On leur dit qu'on fait tout notre possible pour trouver un lieu, qu'on n'est pas décisionnaires, qu'on ne les lâchera pas", dit M. Vimard.
La situation à bord est "stable", sans "cas médicaux urgents", mais "les gens sont épuisés, marqués par leur voyage et leur séjour en Libye", ajoute-t-il.
Dégradation "depuis juin"
Après avoir d'abord refusé d'accueillir le navire, Malte s'est dit prêt finalement mardi après-midi à laisser accoster l'Aquarius. Le gouvernement espagnol a de son côté annoncé mardi après-midi que dans le cadre d'un accord avec d'autres pays européens, l'Espagne allait accueillir 60 des 141 migrants à bord du bateau.
Le Portugal s'est aussi dit "disponible" pour accueillir une partie de ces migrants.
Pour faire face à ces contraintes d'attente en mer, Aloys Vimard explique que "les installations à bord" ont été "un peu améliorées". Avant, comme les gens restaient deux jours en général, il n'y avait pas de douche, là on a mis en place une douche systématique pour chaque personne, on nettoie le pont régulièrement, on a mis en place un système de lessive".
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Des "réajustements" pour éviter notamment "le risque au niveau sanitaire de transmission de maladie", explique-t-il.
"On a stocké de la nourriture dans tous les recoins du bateau, même si l'espace est limité", ajoute le coordinateur, qui dit avoir "de quoi tenir en cas de période prolongée".
"La question est plutôt combien de temps les politiques vont mépriser des vies humaines", lance-t-il.
"Aujourd'hui, les politiques découragent les capitaines de bateaux de secourir des personnes en détresse, ce qui est leur devoir de marin. C'est terrible, c'est la nature même du sauvetage en mer qui est en jeu", affirme-t-il, en assurant que cinq navires n'avaient pas porté secours à l'une des embarcations de rescapés avant l'arrivée de l'Aquarius.
Pourtant ces navires "ont détourné leur route, ils se sont moqués d'eux, ont pris des vidéos de ce bateau clairement en détresse, en bois, instable, surchargé...", rapporte-t-il.
Pour M. Vimard, la situation "s'est dégradée depuis juin, lorsque l'Aquarius a été bloqué en mer" conduisant à une errance d'une semaine avant que l'Espagne n'ouvre le port de Valence.
Mais "si on met plus de barrières, les gens vont prendre plus de risques", relève-t-il. Il appelle l'Union européenne (UE) à "trouver un système décent pour éviter de gérer les sauvetages au cas par cas".
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Avec AFP