BUJUMBURA, 18 mai (Reuters) - Des petits groupes de manifestants sont redescendus lundi dans les rues de Bujumbura pour dénoncer la candidature à un troisième mandat du président Pierre Nkurunziza, qui a échappé la semaine passée une tentative de coup d'Etat.
L'atmosphère était tendue dans la capitale burundaise, où le mouvement de contestation, lancé le 26 avril, a fait plus de 20 morts avant le putsch avorté de mercredi-jeudi. Des habitants ont fait état de tirs nourris au cours de la nuit dans plusieurs quartiers de la capitale, et un corps a été retrouvé dans la matinée.
Le Burundi a basculé dans une grave crise politique à la suite de la décision de Nkurunziza de briguer un troisième mandat présidentiel, violant, selon l'opposition, la Constitution et les accords de paix d'Arusha qui ont mis à la fin la guerre civile de 1993-2005. Lui prétend que son premier mandat (2005-2010) ne doit pas être pris en compte puisqu'il n'avait pas été élu au suffrage universel direct mais désigné par le Parlement.
Plus de 100.000 Burundais se sont réfugiés ces dernières semaines dans les pays voisins, notamment le Rwanda, la Tanzanie et la République démocratique du Congo (RDC), faisant craindre à l'Afrique des Grands Lacs un nouvel engrenage de tensions ethniques: la composition de la population du Burundi est similaire à celle du Rwanda, où plus de 800.000 Tutsis et Hutus modérés ont été massacrés lors du génocide de 1994.
Effectuant dimanche sa première apparition en public depuis l'échec du coup d'Etat, le président Nkurunziza n'a fait aucune allusion à la crise politique mais s'est dit en revanche "très préoccupé" par la menace que constituerait le groupe islamiste somalien Al Chabaab, lié à Al Qaïda.
Le Burundi fournit des troupes à l'AMISOM, la force régionale d'intervention de l'Union africaine en Somalie aux côtés du Kenya et de l'Ouganda, deux pays pris pour cibles par les djihadistes. Les Chabaab ont démenti ses affirmations, l'accusant de chercher à faire diversion tout en préparant des "représailles massives" contre ses opposants.
L'échec de la tentative de coup d'Etat menée par le général Godefroid Niyombaré, ancien directeur des services de renseignement aujourd'hui derrière les barreaux, a peut-être renforcé le pouvoir de Nkurunziza mais n'a en rien réglé la crise ouverte par sa volonté de briguer un nouveau mandat lors de l'élection présidentielle du 26 juin.
Le président kényan Uhuru Kenyatta lui a conseillé de repousser la tenue du scrutin, a rapporté lundi le porte-parole de la présidence kényane. D'après le porte-parole de la présidence kényane, les deux chefs d'Etat se sont entretenus dimanche par téléphone. Manoah Esipisu a ajouté que les homologues de Kenyatta dans la région partageaient son analyse. Le calendrier électoral, a-t-il précisé, doit être modifié afin de créer un "environnement propice". Mais le scrutin devrait se tenir avant la fin de l'actuel mandat de Nkurunziza, fin août.