La démission inattendue du chef de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ouvre la possibilité de voir enfin un Africain à la tête de cette organisation censée faciliter le libre-échange entre pays.
Selon plusieurs agences de presse dont l'influent quotidien Financial Times, le Brésilien Roberto Azevêdo serait en voie de quitter l’OMC bien avant la fin de son deuxième mandat, qui devrait expirer l'année prochaine.
Du coup, son adjoint, le Nigérian Yonov Frederick Agah, est en pole position pour au moins assumer le poste de directeur général intérimaire. Une première pour cette institution plutôt conservatrice qui n’a jamais été dirigée par un Africain.
Économiste de formation, M. Agah a une longue et riche carrière dans le commerce international. Il arrive à l'OMC en 2005, d’abord en tant que négociateur en chef pour le Nigeria dans le cadre du round de Doha. Il gravit les échelons de l'organisation et occupe actuellement le poste de directeur général adjoint.
S'il parviendra à être désigné pour diriger l’OMC, même à titre intérimaire, est une toute autre affaire.
Le chef de l'OMC est désigné "par consensus" parmi ses 164 pays membres.
Jusqu'ici, les directeurs généraux ont été des ressortissants d'Europe, des Amériques, d'Asie et d’Océanie. Tous de sexe masculin.
Pourtant au fil des ans, des Africains de calibre – y compris une femme – ont brigué à ce poste. Sans succès.
En 2012, le Ghanéen Alan John Kwadwo Kyerematen et la Kenyane Amina Mohamed, ont défié le directeur général sortant de l’époque, le Français Pascal Lamy, qui cherchait un second mandat. Au final, les deux Africains s’étaient retirés de la course.
En 2005, l’ex-député mauricien Jaya Cuttaree avait posé sa candidature comme le choix de l’Union africaine face à Pascal Lamy. Là encore, retrait à la dernière minute, mais le message était clair : un Africain devrait pouvoir diriger l’OMC. M. Cuttaree est décédé en 2018.
Une organisation en perte de vitesse
Au-delà de toute considération géopolitique, le prochain directeur général de l’OMC héritera d’une institution largement en perte de vitesse.
En effet, les pays qui autrefois se positionnaient comme champions du libre-échange se sont désormais retranchés dans le protectionnisme. Par exemple, les États-Unis sont aux prises avec la Chine dans une guerre de tarifs qui perdure. Les deux pays imposent, ou menacent d’imposer, quotas et droits de douane aux importations.
Plus récemment, à cause de la pandémie de coronavirus, certains pays ont imposé des restrictions supplémentaires au libre-échange, cette fois concernant des denrées alimentaires. C’est le cas de la Russie où un embargo a été imposé sur les exportations de blé, ce qui fait craindre des pénuries au Maghreb, d’après nos confrères du quotidien algérien El Watan.
Des pays asiatiques tels que l'Inde, le Vietnam et le Cambodge ont également imposé un embargo ou des quotas sur l'exportation du riz, un aliment de base dans de nombreux pays africains.
Selon le New York Times, depuis 2017 l'administration Trump paralyse l'Organe d'appel, le tribunal de l’OMC habilité à trancher les disputes sur les échanges commerciaux. Il est désormais réduit à un seul membre au lieu des sept requis. L’unique membre restant, la Chinoise Hong Zhao, épuise son mandat en novembre.
C’est donc dire que l'OMC risque d'être reléguée au rang de tigre de papier, comme le signale le magazine américain Foreign Policy.