Le Parlement turc se réunit en session extraordinaire mercredi après-midi pour évoquer la situation sécuritaire du pays.
"Tous les alliés ont assuré la Turquie de leur solidarité et de leur ferme soutien", a assuré mardi le secrétaire général de l'Otan, le Norvégien Jens Stoltenberg, à l'issue de la réunion des ambassadeurs des 28 pays membres de l'Alliance.
"Le terrorisme pose une menace directe à la sécurité des membres de l'Otan et à la stabilité et la prospérité internationales", a-t-il affirmé en confirmant que la Turquie n'avait pas réclamé de "présence militaire additionnelle" de l'Alliance.
Mais si tous les participants ont reconnu à la Turquie "le droit de se défendre", certains ont plaidé en faveur d'une "réponse proportionnée" contre les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) afin de sauvegarder le fragile processus de paix engagé depuis 2012.
"La défense contre les actes terroristes du PKK est justifiée mais la réconciliation doit continuer", a résumé la représentante permanente des Pays-Bas auprès de l'Otan, Marjanne de Kwaasteniet.
Une position également défendue par la ministre allemande de la Défense Ursula von der Leyen, pour qui la lutte contre le groupe jihadiste EI est "la priorité absolue".
"J'ai fait valoir avec force qu'il fallait à tout prix garder la mesure, et que le processus de réconciliation avec les Kurdes en Turquie ne devait être ni troublé ni abandonné", a plaidé la ministre, en déplacement mardi au Mali, après s'être entretenue au téléphone avec son homologue turc Ismet Yilmaz.
D'autant qu'en Syrie, les Kurdes sont alliés de la coalition internationale contre les jihadistes de l'Etat islamique.
Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), l'EI a été chassé mardi par l'armée syrienne et les forces kurdes de la ville syrienne de Hassaké, dans le nord-est du pays, après plus d'un mois de combats.
De Bruxelles aussi, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a prôné "la nécessité de proportionnalité" dans les bombardements turcs lors d'une conversation téléphonique ce week-end avec le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu, selon une porte-parole de la Commission.
Toutefois, le président turc Recep Tayyip Erdogan a de facto décrété mardi la suspension du processus de paix avec le PKK, jugeant sa poursuite "impossible" tant que les rebelles continuent leurs attaques contre les forces de sécurité.
Mardi après-midi, deux F-16 de l'armée de l'air turque ont bombardé des cibles du PKK dans la province de Sirnak (sud-est de la Turquie) après des tirs visant les forces de sécurité, selon l'état-major turc.
Longtemps accusé de complaisance vis-à-vis des organisations radicales en lutte contre le régime de Damas, le gouvernement islamo-conservateur d'Ankara a opéré un virage en s'attaquant à l'EI après l'attentat suicide meurtrier de Suruç (sud), le 20 juillet, et la mort d'un soldat turc tué lors d'une attaque jihadiste à la frontière syrienne.
Presque simultanément, la Turquie a lancé une campagne intensive de frappes aériennes contre les rebelles du PKK dans le nord de l'Irak, alimentant les soupçons selon lesquels la priorité d'Ankara serait la lutte contre les Kurdes plutôt que celle contre l'EI.
"La Turquie ne mène pas la guerre contre Daech (acronyme de l'EI en arabe) mais contre le peuple kurde", a dénoncé un dirigeant du Congrès national kurde (KNK), Zübeyir Aydar, en marge de la réunion de l'Otan.
Lors d'une manifestation devant le Parlement européen à Bruxelles, M. Aydar a exhorté l'Alliance "à jouer un rôle de médiateur entre la Turquie et les Kurdes pour sauvegarder le processus de paix" et à "renforcer les forces kurdes qui luttent sur le terrain" contre l'EI.
M. Erdogan a réaffirmé que son pays ne céderait pas à la menace "terroriste" et poursuivrait avec "détermination" sa lutte contre l'EI et le PKK. "Il est hors de question de reculer. C'est un long processus et ce processus se poursuivra avec la même détermination", a-t-il promis.
Lundi, les Etats-Unis et la Turquie ont décidé de muscler leur coopération militaire pour éradiquer l'EI du nord de la Syrie, le long de la frontière turque.
"Le nettoyage de ces régions et la création d'une zone de sécurité permettra le retour chez eux" des 1,8 million de réfugiés syriens installés en Turquie, a plaidé M. Erdogan.
Les détails de l'accord évoqué par Washington - auquel ne participe pas l'Otan - restent à définir.
Selon un responsable américain, il impliquerait un soutien turc aux "partenaires au sol" des Etats-Unis, à savoir les troupes de l'opposition syrienne modérée. En revanche, il ne s'agit pas d'instaurer la "zone d'exclusion aérienne" réclamée par Ankara.
Avec AFP