Cette information judiciaire vise, outre M. Condé renversé par les militaires en septembre 2021, son dernier Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana, son ancien ministre de la Défense Mohamed Diané, ainsi que "plusieurs autres" personnalités, selon un communiqué du parquet de Dixinn (banlieue de Conakry) daté du 6 mai et reçu jeudi par l'AFP. Le texte ne précise pas l'identité des autres personnalités visées.
Le procureur de Dixinn a donné acte à une demande du parquet général qui avait le 4 mai sollicité d'engager "sans délai" des poursuites contre au total 27 personnalités dont M. Condé, un ancien président de la Cour constitutionnelle, d'anciens présidents de l'Assemblée, un ancien Premier ministre et nombre d'anciens ministres, députés et responsables des services de sécurité.
MM. Condé, Fofana et Diané et les "autres" sont poursuivis pour "des faits de meurtre, assassinat, complicité de meurtre et d'assassinat, homicide involontaire, coups et blessures volontaires, arrestation, enlèvement, séquestration, torture, destructions et dégradations de biens publics ou privés, pillage, vol, agressions sexuelles et viol", précise le procureur de Dixinn dans le communiqué.
Il "informe toutes les victimes, parents de victimes et de manière générale toutes personnes physiques ou morales, structures ou entités pouvant fournir des informations ou disposant d'éléments pouvant éclairer les lanternes de la justice sur ces crimes et délits susmentionnés à se faire identifier à son Parquet en vue de leur éventuelle orientation".
M. Condé, 84 ans, a été renversé après plus de dix ans de pouvoir, lors d'un putsch conduit par le colonel Mamady Doumbouya qui était à la tête des forces spéciales. Gardé prisonnier par les militaires après le putsch, Alpha Condé avait finalement été autorisé en janvier à se rendre aux Emirats arabes unis pour être soigné. Il est rentré en Guinée mi-avril. La junte assure qu'il est libre de ses mouvements.
Transition de trois ans
La justice guinéenne a agi suite à l'action engagée en janvier 2022 par le Front national de défense de la Constitution (FNDC), un collectif qui a mené pendant des mois à partir d'octobre 2019 la contestation contre un troisième mandat de M. Condé.
La répression de ces protestations, souvent brutale dans ce pays coutumier des violences politiques, a fait des dizaines de morts, quasiment tous civils. Cette mobilisation n'a pas empêché M. Condé, devenu en 2010 le premier président démocratiquement élu après des décennies de régimes autoritaires ou dictatoriaux, d'être réélu en octobre 2020 après avoir fait modifier la Constitution en début d'année lors d'une consultation à la légitimité fortement mise en cause.
Depuis septembre 2021, le colonel Doumbouya s'est fait investir président et s'est engagé à remettre le pouvoir à des civils élus. Il a assuré en prenant le pouvoir qu'il n'y aurait pas de "chasse aux sorcières" mais que la justice serait la "boussole" du pays.
Les militaires proclament la lutte contre la corruption réputée endémique comme un de leurs grands combats. Certains responsables visés par l'information judiciaire, dont l'ex-Premier ministre Fofana, sont déjà écroués pour des malversations financières présumées.
Mercredi, l'organe législatif mis en place par la junte a fixé à trois ans la durée de la transition avant le retour des civils au pouvoir. Cette décision de l'organe législatif doit être validée par le colonel Dombouya à une date non précisée. Une coalition formée du parti de l'ex-président Condé et de formations de l'opposition sous le pouvoir de ce dernier a dénié à l'organe législatif la prérogative de fixer la durée de la transition.
En septembre, après le putsch, la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) a suspendu la Guinée. Elle avait "insisté pour que la transition soit très courte" et que des élections soient organisées dans un délai ne dépassant pas "six mois".