Jusqu'ici, les chercheurs pensaient qu'elle s'était échappée dans l'espace. Mais selon une nouvelle étude, elle s'est en réalité retrouvée en grande partie enfermée dans la croûte martienne.
Attention, cette trouvaille ne signifie pas "qu'il existe une espèce d'immense réservoir d'eau" sous la surface de Mars, avertit Eva Scheller, chercheuse au California Institute of technology et principale autrice de l'étude, publiée mardi dans la prestigieuse revue Science.
"Nous disons que la croûte est formée de ce que nous appelons des minéraux hydratés, c'est-à-dire des minéraux qui ont de l'eau dans leur structure", explique-t-elle à l'AFP.
Au début de son histoire, Mars avait assez d'eau liquide à sa surface pour la recouvrir sous l'équivalent d'entre 100 à 1.500 mètres de haut, selon les scientifiques.
A titre de comparaison, 1.000 mètres de haut sur l'ensemble de la planète rouge équivaut à la moitié de l'Océan Atlantique, a calculé Eva Scheller.
Il n'y en a plus aujourd'hui qu'entre 20 à 40 mètres de haut selon cette même mesure. Une eau présente soit dans l'atmosphère, soit sous forme de glace dans les calottes polaires ou le sous-sol martien.
Alors où est donc passé le reste?
- Jusqu'à 99% -
Jusqu'ici, les chercheurs considéraient la perte de cette eau comme due à l'échappement atmosphérique.
Ce phénomène existe aussi sur Terre, mais est plus prononcé sur Mars à cause de la faible gravité.
Les molécules d'eau sont composées d'oxygène et d'hydrogène, et "les atomes d'hydrogène sont très légers", explique Eva Scheller. "De ce fait ils peuvent se libérer du champ gravitationnel de Mars, et s'échapper dans l'espace."
Mais cette explication ne suffisait à expliquer la perte que d'une petite quantité d'eau.
Or les observations de satellites ainsi que les analyses effectuées par les différents rovers envoyés sur Mars montraient qu'elle en avait en réalité abrité bien plus.
En outre, l'étude du niveau de deutérium sur Mars, qui compose une petite partie de l'hydrogène et s'échappe moins dans l'espace car il est plus lourd, ne collait pas non plus avec les seules théories d'échappement atmosphérique.
L'étude publiée mardi a ainsi pour la première fois construit un modèle ajoutant une théorie complémentaire.
"Lorsqu'une pierre interagit avec de l'eau, il y a une série de réactions chimiques très complexes qui forment un minéral hydraté", explique Eva Scheller.
L'argile est un exemple très commun d'un tel minéral, et également le plus répandu sur Mars, selon la chercheuse.
"La perte de l'eau dans la croûte martienne est au moins égale ou plus importante que l'échappement atmosphérique", dit-elle. Jusqu'à 99% de l'eau disparue de la surface martienne pourrait ainsi être emprisonnée dans les roches.
- Aride depuis 3 milliards d'années -
L'étude montre que "la perte d'eau dans la croûte est un mécanisme très important pour les planètes, qui dicte le moment où elles deviennent arides", souligne la chercheuse.
Ce procédé se produit aussi sur Terre, mais grâce à la tectonique des plaques (qui n'existe pas sur Mars), l'eau emprisonnée est recyclée, via les phénomènes volcaniques.
De plus, sachant que les minéraux hydratés sur Mars sont vieux d'au moins trois milliards d'années, cela signifie que la planète rouge avait déjà perdu la plupart de son eau à ce moment-là, selon l'étude.
"Mars était plus ou moins comme nous la connaissons aujourd'hui il y a trois milliards d'années", dit Mme Scheller.
Elle espère pouvoir affiner les différents scénarios envisagés dans son étude grâce au rover de la Nasa Perseverance, qui vient d'arriver sur la planète rouge.
"Le rover Perseverance va étudier exactement ces procédés et réactions qui causent l'emprisonnement de l'eau dans la croûte", se réjouit-elle. Il pourrait se révéler être "la plus importante pièce du puzzle", permettant d'apporter une réponse définitive à l'énigme.