Le président béninois Patrice Talon a été réélu sans surprise, avec 86% des voix, selon les résultats provisoires annoncés mardi soir par la Commission électorale, dans un scrutin où le chef de l'Etat faisait face à des candidats de l'opposition quasiment inconnus.
"Le duo Patrice Talon et Mariam Talata (candidate à la vice-présidence à ses côtés) obtient dès le premier tour la majorité des suffrages exprimés" a déclaré Geneviève Boko Nadjo, la vice-présidente de la Commission électorale nationale autonome (CENA).
Elle a également déclaré que le taux de participation s'élevait à 50,17%.
De leur côté, les observateurs de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest) avaient dit avoir constaté "un faible taux de participation des électeurs" suivi "d'une légère amélioration", et ceux de la Organisation internationale de la Francophonie (OIF), ont noté une "mobilisation des électeurs relativement faible tout au long de la journée".
La Cour constitutionnelle publiera les résultats définitifs dans les prochains jours.
Patrice Talon, richissime homme d'affaires ayant fait fortune dans le coton, est accusé d'avoir engagé le Bénin dans un tournant autoritaire et d'avoir empêché la candidature de toute opposition crédible pour ce scrutin.
"Dix ans! Dix ans!"
Devant le siège du parti Bloc Republicain, une centaine de supporters du président ont fait la fête, le temps d'à peine une heure, en dansant sur la musique d'une fanfare et en agitant des drapeaux bleu azur a l'effigie des vainqueurs.
Parmi eux, Dahounto Euloge, 33 ans, qui se réjouit de voir son candidat reconduit au pouvoir. "Le peuple est encore prêt à le soutenir car il a fait les routes, l'éclairage. On est la pour le developement", explique-t-il à l'AFP.
Le chef de l'Etat, vêtu d'une veste en lin bleu ciel et d'une chemise blanche immaculée, est venu pour saluer ses supporters, depuis le marche pied de son 4x4, mais il n'a fait aucune déclaration.
Devant lui, des jeunes survoltés scandaient "10 ans! 10ans!", mais dans le reste de Cotonou, la capitale économique, la vie continuait son cours dans le calme et les Béninois rentraient du travail comme si de rien n'était.
Korentin Kohoué, un ancien député qui a récolté 2,3% des voix a "remercié les Béninois qui ont écouté notre message (...) et accompli dans le calme leur devoir civique".
Quant à Allasane Soumanou (11% des voix), il n'a fait aucune déclaration pour l'instant, affirmant à l'AFP qu'il respectait le carême en ce premier jour de Ramadan.
"Du folklore"
Des violences ont éclaté la semaine dernière et ont fait au moins deux morts à Savè, dans le centre-Nord, le fief de l'ancien président Thomas Boni Yayi, grand adversaire politique et économique de l'actuel chef de l’Etat.
L'élection a été annulée dans les villes voisines de Tchaourou, Bantè et Ouèssè, a annoncé la CENA, estimant qu'elle n'avait pas pu se dérouler dans de bonnes conditions.
Un important groupe de la société civile a, de son côté, dénoncé des "tentatives d'intimidations, de menaces ou de corruptions des électeurs à travers tout le pays."
La réélection dès le premier tour du président Patrice Talon est sans surprise, les grandes figures de l'opposition étant soit en exil, soit incarcérées, frappées d'inéligibilité ou empêchées de participer à l'élection.
Des opposants avaient d'ailleurs appelé au boycott du scrutin, dénonçant une élection gagnée d'avance, avec un président "face à lui-même".
"Cette élection c'était du folklore", regrette Georges Kpatchavi, restaurateur de 42 ans. "On n'attend pas les résultats car ils sont déjà connus d'avance."
Un avis partagé par beaucoup à Cotonou, capitale économique d'un pays longtemps vu comme un modèle de démocratie, où les rues étaient inhabituellement calmes.
"D'habitude ça klaxonne dans les rues, ça fait la fête dans les buvettes dès les premières tendances mais là, c'est mort", constate Wimboutou Sambien, opérateur économique d'une cinquantaine d'année.
Patrice Talon a dit vouloir engager le Bénin dans le développement et le pays d'Afrique de l'Ouest enregistre des taux de croissance plutôt bons dans un contexte de crise économique globale (5% de prévision pour 2021).
Il a déclaré vendredi dernier lors de son dernier meeting de campagne que sa victoire "par K.O." ne ferait aucun doute et que "les chantiers commencés seraient terminés."