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Pauvreté, pirates... Des Nigérians en colère occupent un site de Shell


De manifestants disent des prières devant la station Shell au royaume de Kula, à Akuku Toru, Rivers Tate, Nigeria, 15 août 2017.
De manifestants disent des prières devant la station Shell au royaume de Kula, à Akuku Toru, Rivers Tate, Nigeria, 15 août 2017.

Pour rejoindre le village de Belema, il faut naviguer trois heures à bord d'une embarcation de fortune depuis Abonnema, la grande ville la plus proche, dans le sud-est du Nigeria.

C'est là que se trouve une station pétrolière gérée par la filiale locale de Shell, qui alimente l'un de ses principaux terminaux d'exportation, Bonny, d'une capacité de production de 225.000 barils/jour.

Le 11 août, des centaines d'habitants de Belema et des environs ont pris d'assaut le site pour protester contre leurs conditions de vie désastreuses et exiger le départ du géant pétrolier anglo-néerlandais installé dans la région depuis près de 40 ans.

Ils demandent que la gestion de l'infrastructure pétrolière soit confiée à une entreprise locale, Belema Oil.

Depuis lors, les occupants, 550 femmes et 350 hommes, se relaient 24 heures sur 24 pour maintenir une présence constante sur place, paralysant la station.

Le Nigeria est le plus grand producteur et exportateur de pétrole d'Afrique avec l'Angola, avec environ deux millions de barils par jour, soit 70% de ses recettes publiques.

Rien qu'en 2016, l'exportation de produits pétroliers a rapporté quelque 27,8 milliards de dollars au pays.

Mais malgré les abondantes richesses naturelles qui traversent la région, les habitants de cette communauté de l'Etat de Rivers disent n'avoir jamais profité des immenses revenus générés par l'or noir.

Pour s'abreuver, les villageois ne peuvent compter que sur un puits insalubre à l'air libre, tandis que les malades doivent être transportés à Abonnema en raison de l'absence totale d'infrastructures médicales.

- 'A la merci des pirates' -

"Ils (Shell) devraient venir voir la communauté, qui se trouve à quelques km d'ici, et nous dire ce qu'ils ont fait ces 37 dernières années", affirme un chef local, Evans Dabiri. "Nous n'avons bénéficié de rien".

Les femmes, équipées de petits auvents, de nattes et de matelas, se sont organisées pour garder l'enceinte du site, cuisiner pour les manifestants et se divertir.

Deux bateaux servant d'hébergement aux travailleurs flottent comme des coquilles vides depuis que Shell a évacué la station en réaction aux manifestations.

L'armée a également déployé 30 soldats pour surveiller la situation, selon une source sécuritaire nigériane.

Shell assure avoir créé des emplois dans la région et tenté de travailler avec les communautés - des efforts qui, selon elle, ont été freinés par des luttes de pouvoir locales.

"Les conflits juridiques et les litiges entre les communautés productrices de pétrole (ont) empêché Shell de mettre en oeuvre les projets de développement prévus", affirme à l'AFP le responsable des relations extérieures de Shell Petroleum Development Company (SPDC) au Nigeria, Igo Weli.

Shell a tout de même investi 600 millions de nairas (1,7 million de dollars) pour améliorer les écoles, les infrastructures et les soins de santé à Belema et dans le village voisin de Kula ces 10 dernières années, ajoute-t-il.

Mais la communauté a souffert d'une négligence chronique et vit dans la peur d'attaques de pirates qui naviguent dans les eaux de la région, s'emparant des biens et des bateaux.

Malgré la présence d'au moins six postes militaires entre Abonnema et la station de Belema, les pirates continuent d'agir en toute impunité.

"Nous sommes à la merci des pirates de la mer qui assiègent les cours d'eau en volant notre peuple", assure Evans Dabiri.

- Paix fragile -

Shell met en garde contre les risques de fuite de pétrole ou d'incendie, alors que ses techniciens n'ont pas pû préparer les installations à un arrêt prolongé en raison de l'occupation.

"La SPDC est profondément préoccupée par le fait que des personnes non autorisées - y compris des femmes et des enfants - ont été vues à proximité d'équipements (...) sans la protection de vêtements de sécurité", a déclaré son porte-parole, Joseph Obari, dans un communiqué.

La compagnie pétrolière nationale NNPC, les dirigeants locaux et Shell sont toutefois parvenus à un accord pour permettre la réouverture du site, selon un chef traditionnel local, Godson Egbelekro.

"Nous avons réussi à conclure une trêve avec la NNPC (...) Au cours de cette semaine, il y aura une inspection conjointe", a déclaré M. Egbelekro, qui se dit prêt à demander aux occupants de partir pour que Shell puisse "reprendre ses opérations".

Il n'est cependant pas question de confier la gestion du site à l'entreprise locale Belema Oil - du moins pour le moment -, mais des discussions sont toujours en cours, selon M. Egbelekro.

Dans l'Etat voisin du Delta, les employés d'une installation gazière ont à leur tour déclenché une grève pour des motifs similaires ces derniers jours.

Les mouvements sociaux qui agitent régulièrement le coeur pétrolier du Nigeria font planner le spectre de nouvelles attaques rebelles contre les infrastructures, qui avaient fait chuter la production nationale d'or noir l'an dernier.

Suite à des accords d'amnistie, le gouvernement a obtenu une paix fragile ces derniers mois, mais les militants menacent de reprendre les armes pour un meilleur partage des richesses.

Avec AFP

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