L'Arabie saoudite et la Russie, les deux premiers producteurs de brut, sont convenues mardi de geler leur production à son niveau de janvier, dans une tentative de stabiliser un marché plombé par un excès de l'offre.
Le marché a réagi à l'annonce avec prudence et une certaine déception car il attendait une réduction, et non un gel, de la production au moment où l'offre atteint un niveau record.
Le gel, annoncé par le ministre qatari de l'Énergie au terme d'une réunion surprise à Doha de quatre pays pétroliers (Arabie, Russie, Qatar, Venezuela), est conditionné à une mesure similaire des autres grands pays producteurs.
L'Iran a d'ores et déjà affirmé qu'il n'entendait pas réduire sa production, tout en se disant "prêt à la discussion", alors que les ministres iranien, irakien et vénézuélien du Pétrole doivent se réunir mercredi à Téhéran.
"Afin de stabiliser les marchés pétroliers", l'Arabie, la Russie, le Qatar et le Venezuela "sont convenus de geler la production à son niveau de janvier, pourvu que les autres grands producteurs fassent de même", a déclaré à Doha le ministre qatari Mohammed Saleh al-Sada, actuel président de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep).
"Nous pensons, tous les quatre, que le gel maintenant de la production à son niveau de janvier est approprié pour le marché", a dit pour sa part le puissant ministre saoudien du Pétrole, Ali al-Nouaïmi.
Le Saoudien, dont le pays est le chef de file de l'Opep et qui a jusqu'ici exclu toute réduction de l'offre pour soutenir les prix, a ajouté que "(c'est) le début d'un processus que nous évaluerons dans les tout prochains mois pour décider si d'autres mesures sont nécessaires pour stabiliser le marché".
"Nous ne voulons pas de variations significatives des prix, nous ne voulons pas réduire l'offre. Nous voulons répondre à la demande et stabiliser les prix" sur les marchés internationaux, a-t-il encore dit.
"Il convient de ne pas exagérer l'impact de cette décision. Elle ne concerne pas tous les grands acteurs de l'exploitation pétrolière, les Etats-Unis étant absents, et surtout il ne s'agit que d'un gel de la production et non pas d'une baisse", a indiqué Christopher Dembik, analyste chez Saxo Banque.
"C'est une mesure insuffisante pour résorber l'excès d'offre persistant sur le marché", a-t-il ajouté à l'AFP, soulignant que "les prix devraient rester encore très bas à moyen terme".
Il s'agissait d'une rare rencontre entre le Saoudien Ali Al-Nouaïmi et le Russe Alexander Novak depuis que les prix du pétrole ont chuté pour perdre jusqu'à 70% de leur valeur depuis la mi-2014. Leurs deux pays, comme d'autres producteurs, souffrent de la situation actuelle.
- L'Iran sur ses gardes -
Le ministre du Qatar a indiqué que son pays allait entreprendre des contacts "intensifs" avec les producteurs membres et non-membres du cartel, afin de "stabiliser le marché, dans l'intérêt non seulement des producteurs et des exportateurs de brut, mais aussi de l'économie mondiale".
Abishek Deshpande, analyste chez Natixis, estime "peu probable que l'Iran et l'Irak acceptent un quelconque gel qui constituerait de fait pour eux une réduction de la production".
La pression s'est accentuée sur les prix avec le retour de l'Iran sur le marché après la levée le mois dernier des sanctions internationales, consécutive à l'accord sur son programme nucléaire.
Le royaume saoudien, qui entendait avec les autres monarchies pétrolières du Golfe défendre des parts de marché face à l'essor du pétrole de schiste américain, exigeait la coopération des producteurs non membres de l'Opep, Russie en tête, pour envisager une réduction de l'offre et tenter de soutenir les prix.
L'annonce d'un simple gel de la production a "déçu le marché car les gens s'attendaient à une réduction de la production", a jugé Fawad Razqzada, expert de City Index pour qui les prix pétroliers pourraient être à court terme sous pression.
Mais le ministre qatari de l'Energie a qualifié de "succès" la réunion quadripartite qui a donné lieu à "une revue de la situation sur le marché pétrolier", soulignant que la chute des prix du brut était préjudiciable à l'effort d'investissement dans le secteur pétrolier.
"Nous assistons à une importante baisse des investissements", ce qui ne permettrait pas de répondre à une future hausse de la demande, a-t-il prévenu.
La réunion de Doha intervient alors que, parallèlement, de vives tensions opposent sur la crise syrienne la Russie, alliée du régime de Damas, et l'Arabie saoudite qui soutient des groupes armés hostiles au président Bachar Al-Assad.
Avec AFP