L'ancien chef rebelle, 54 ans, au pouvoir depuis 2005, organise jeudi un référendum très contesté sur une révision de la Constitution qui devrait lui permettre de rester au pouvoir jusqu’en 2034, en concentrant presque tous les pouvoirs dans ses mains.
Pendant la guerre civile burundaise, qui fit 300.000 morts entre 1993 et 2006, Pierre Nkurunziza a survécu pendant quatre mois, gravement blessé, dans des marécages. C'est là qu'il a eu, selon ses dires, la révélation divine qu'il dirigerait un jour le Burundi.
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Depuis, ce Hutu - l'ethnie majoritaire - au crâne rasé, grand sportif et chrétien évangélique "born again" prosélyte, a fait de son rapport à la religion l'un des piliers de son pouvoir. Son parti, le CNDD-FDD, l'a récemment élevé au rang de "Imboneza yamaho" ("Visionnaire" en français).
"Nkurunziza croit (...) qu'il est président de la République de par la volonté divine" et "organise donc toute sa vie et sa gouvernance" en conséquence, confirme le responsable de la communication présidentielle, Willy Nyamitwe.
Les opposants sont beaucoup plus circonspects et dénoncent la dérive mystico-religieuse du régime. Chaque année, au cours de grandes "croisades de prières", le président et son épouse prêchent devant citoyens et hauts responsables.
'Répression brutale'
L'an passé, lors d'un événement de ce genre, M. Nkurunziza avait demandé aux fidèles de la province de Gitega (centre) d’ériger une pierre de trois tonnes pour symboliser "l'alliance" entre son parti et Dieu.
Il a décidé que chaque année aurait lieu autour de cette pierre un rassemblement de trois jours pour des prières et pour remercier Dieu de "ses bienfaits". En mars, son parti a aussi appelé ses militants à faire de chaque jeudi un jour de jeûne et de prières.
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"Le CNDD-FDD est devenu une véritable secte dont Pierre Nkurunziza est le gourou. Mais c’est pour palier son absence de programme et son bilan catastrophique, et pour tenter de légitimer son maintien au pouvoir", regrette, sous couvert d’anonymat, un analyste burundais.
M. Nkurunziza est aussi volontiers décrit par ceux qui le connaissent comme "impitoyable". Sa candidature en avril 2015 à un troisième mandat et sa réélection en juillet de la même année a déclenché une crise qui a fait au moins 1.200 morts et plus de 400.000 réfugiés.
Une répression brutale de la contestation, une purge implacable au sein de son parti: il est accusé d'avoir instauré un régime de terreur, dont les bras armés sont le Service national de renseignement (SNR), et les Imbonerakure, la ligue de jeunesse du CNDD-FDD.
"Sous ses dehors de gentil, c'est un homme impitoyable. Gare à ceux qui se mettront en travers de sa route", résume un ancien proche. Pour renforcer son pouvoir, il n'a pas hésité à diviser profondément le Burundi et à l'isoler sur la scène internationale.
'Instinct de survie'
Pierre Nkurunziza est né le 18 décembre 1964 dans une famille aisée. En 1972, son père est tué dans des massacres qui déciment l'élite hutu. Il "est un orphelin de 1972", explique un haut fonctionnaire.
A la sortie du lycée, il veut devenir officier ou économiste, mais les restrictions contre les Hutu instaurées par le pouvoir tutsi d'alors, l'en empêchent. En 1991, il devient professeur d'éducation physique, et rejoint en 1995 la rébellion hutu.
Formé par des années de maquis, "Nkurunziza est quelqu'un qui a un instinct de survie et de maintien au pouvoir très élevé", assure Innocent Muhozi, président de l'Observatoire de la presse au Burundi (OPB). "Ce sont ses détracteurs qui tiennent ce genre de discours", balaie Willy Nyamitwe.
Mais l'emploi du temps du président, avec des heures quotidiennes consacrées au football ou au basket, font tiquer ses adversaires. Il se déplace rarement sans sa propre équipe de football et sa chorale, jouant avec des équipes locales et organisant des prières là où il passe.
Pour ses nombreux partisans, cela ne l'empêche pas d'avoir réalisé une œuvre "titanesque", notamment la construction de plus de 5.000 écoles et dix stades omnisports, dont un, dans sa localité natale, à Buye (nord), lui est exclusivement réservé.
Alexis Sinduhije, opposant en exil, fait un autre bilan: "La pauvreté s'est accrue, les violations des droits de l'Homme sont la règle et la corruption s'est généralisée depuis que Nkurunziza est au pouvoir".
Avec AFP