Ces violences ont débuté vendredi dernier à Krink, majoritairement habitée par la tribu des Massalit, et se sont propagées vers El-Geneina, la capitale du Darfour-Ouest, à quelque 80 km.
Selon la Coordination générale pour réfugiés et déplacés du Darfour, les violences ont éclaté lorsque des combattants armés issus de tribus arabes ont attaqué des villages Massalit, une minorité ethnique africaine, en représailles à la mort jeudi de deux de leurs membres.
Le bilan le plus lourd a été enregistré dimanche avec "201 morts et 13 blessés", a précisé le gouverneur du Darfour-Ouest Khamis Abkar dans une vidéo diffusée mardi. Par ailleurs, huit personnes ont été tuées vendredi et quatre autres lundi, toujours selon M. Abkar.
Dans sa vidéo, le gouverneur a aussi accusé les forces gouvernementales chargées d'assurer la sécurité de Krink de s'être "retirées sans aucune justification" alors que les combats s'intensifiaient dimanche. La ville de Krink "a été complètement détruite, y compris les institutions gouvernementales", a déploré M. Abkar, dénonçant "un crime contre l'humanité."
De son côté, l'ONG Médecins Sans Frontières (MSF) a affirmé que des hôpitaux avaient été attaqués et que plusieurs membres du personnel médical avaient été tués.
Consternation
A Genève, la Haute-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, Michelle Bachelet, a fait part mercredi de sa consternation face aux violences au Darfour. "J'appelle les autorités soudanaises à mener des enquêtes rapides, complètes, impartiales et indépendantes sur ces attaques et à demander des comptes à tous les responsables", a déclaré Mme Bachelet dans un communiqué.
L'émissaire de l'ONU au Soudan Volker Perthes avait déjà condamné lundi les tueries et réclamé une enquête, de même que Washington et Londres. Des témoins ont accusé la milice janjawid, force supplétive du gouvernement soudanais, d'avoir orchestré les violences.
Ces miliciens, utilisés par le dictateur Omar el-Béchir dans sa longue guerre lancée en 2003 au Darfour, ont ces dernières années rejoint par milliers les Forces de soutien rapide (FSR), dirigées par le général Mohammed Hamdane Daglo, numéro deux du pouvoir militaire en place depuis le putsch d'octobre à Khartoum.
Depuis le début des violences, de plus en plus de voix s'élèvent au Darfour appelant l'ONU à protéger les civils. Mardi, l'Association du barreau du Darfour a affirmé qu'il fallait "recourir au Conseil de sécurité de l'ONU pour faire cesser les violations des droits humains, ainsi que les meurtres arbitraires des femmes et des enfants et les déplacements forcés" dans la région.
"Protection internationale"
Des dignitaires de la tribu Massalit ont eux appelé mercredi le Conseil de sécurité de l'ONU à placer leurs villages sous "protection internationale".
Selon les Nations unies, des dizaines de personnes ont été tuées et des centaines de maisons incendiées lors de plusieurs épisodes de violence au Darfour ces derniers mois, favorisés, selon les experts, par le vide sécuritaire créé par le putsch du général Abdel Fattah al-Burhane à Khartoum en octobre.
Des heurts entre éleveurs arabes et agriculteurs africains pour des disputes territoriales ou l'accès à l'eau avaient causé la mort de près de 250 personnes d'octobre à décembre au Darfour, selon un syndicat de médecins prodémocratie. La région a été ravagée par une guerre civile déclenchée en 2003 entre le régime à majorité arabe et les insurgés issus de minorités ethniques dénonçant des discriminations.
Environ 300.000 personnes sont mortes et près de 2,5 millions déplacées durant les premières années de violences, d'après l'ONU. Le Soudan, sorti en 2019 de 30 années de dictature sous Omar el-Béchir, reste depuis le coup d'Etat d'octobre englué dans un marasme politique et économique.