Des membres de l'opposition et de la société civile, ainsi que de simples citoyens, contactés par l'AFP, ont dénoncé ce système de cotisations, utilisé selon eux dans tout le pays.
Ces cotisations sont perçues pour aider au développement local, bâtir des écoles, ou encore au titre de la solidarité avec les communes affectées par la crise alimentaire.
Mais elles servent aussi à payer les permanences du CNDD-FDD. Et les monuments à la gloire du parti, qui se construisent actuellement un peu partout et portent des inscriptions du genre: "Nous avons consenti des sacrifices pour arriver à la tête de ce pays, on ne le lâchera pas".
Les montants sont modulés en fonction de la profession. Un paysan paye l'équivalent d'un euro, un taxi-moto environ quatre euros, et un petit commerçant entre 60 et 80 euros, ont expliqué des habitants de la province de Cibitoke (nord-ouest).
"Je suis médecin et dans mon cas, ils ont prélevé 30.000 francs burundais (13 euros) de mon compte comme contribution à la construction de la permanence du parti au pouvoir dans la commune de Rugombo", dans la province de Cibitoke, a indiqué un homme joint par téléphone.
"C'est une cotisation forcée, car je n'avais pas prévu de le faire et je ne suis pas membre de ce parti. C'est un racket et j'ai payé pour ne pas subir de représailles", a-t-il protesté, sous couvert d'anonymat.
Quatre autres habitants de la province - un commerçant, un paysan, un enseignant et un taxi-moto - ont confirmé avoir été obligés de payer. L'obligation en est faite aussi bien à ceux qui ne sont pas membres du CNDD-FDD qu'à ceux qui le sont.
Le deuxième vice-président burundais, Joseph Butare, originaire de Cibitoke, a ainsi payé 4 millions de FBU (1.800 euros) au titre du développement provincial, selon une liste de "cotisations volontaires" consultée par l'AFP.
Les Imbonerakure, la Ligue de jeunesse du CNDD-FDD, qualifiée de milice par l'ONU, sont chargés de contrôler que les gens sont à jour de ces cotisations, selon les habitants de Cibitoke ayant parlé à l'AFP.
Toutes les cotisations ne sont toutefois pas prélevées par le CNDD-FDD. Certaines le sont par l'administration locale.
Système d'extorsion
A Cibitoke, le gouverneur exige que soient affichées les listes de ceux qui n'ont pas encore payé les cotisations pour le développement, selon les habitants.
Et dans de nombreuses communes du pays, un reçu attestant du paiement de la cotisation pour la construction des écoles est indispensable pour pouvoir inscrire son enfant à l'école.
Le secrétaire-général adjoint du CNND-FDD, Joseph Ntakirutimana, a récusé ces accusations, assurant à l'AFP qu'à Cibitoke "il n'y a eu de tels cas (liés à la construction d'une permanence) que sur une seule colline et les gens se sont mis à généraliser".
Le n°2 du CNDD-FDD a nié farouchement l'idée d'un système "généralisé" de corruption au profit du parti, toutes les contributions étant selon lui "volontaires".
Une source administrative a défendu le recours aux cotisations par la nécessité pour le Burundi de "compter sur ses propres forces", après avoir été frappé de sanctions internationales.
Mais ces pratiques suscitent un vif rejet de la population, dans un pays plongé dans une grave crise depuis l'annonce en avril 2015 de la candidature du président Pierre Nkurunziza à un troisième mandat controversé et sa réélection en juillet de la même année.
"C'est une honte, on nous oblige à payer alors que le pays est en crise et qu'on gagne à peine de quoi manger", s'est indigné le taxi-moto contacté par l'AFP.
Le Burundi est le troisième pays le plus pauvre du monde en 2016, selon le FMI. D'après la Banque mondiale, 64,9% de la population vit sous le seuil de pauvreté.
Le vice-président du parti Frodebu, Léonce Ngendakumana, un des rares leaders d'opposition à ne pas s'être exilé, a dénoncé "un véritable racket à travers tout le pays".
"Ce parti se comporte désormais un véritable parti unique", s'est-il emporté. "Ils sont en train d'ériger des monuments de leur parti qui sont de véritables symboles de haine sur toutes les collines du pays."
Gabriel Rufyiri, le président de l'Olucome, la principale organisation de lutte contre la corruption au Burundi, a pour sa part pointé du doigt "un système d'extorsion de fonds qui frappe le pauvre et le riche, les sociétés publiques et privées".
Avec AFP