"Comme en 2019, nous assistons à une fraude électorale d'Azali Assoumani en complicité avec l'armée", a déclaré devant la presse le candidat d'opposition Mouigni Baraka Saïd Soilihi, au nom des cinq rivaux d'Azali au scrutin. "Il y a eu bourrages d'urnes" dans plusieurs localités, a-t-il poursuivi, ajoutant que "les Comoriens n'ont pas eu le choix de décider du président qui allait présider à leur destinée".
La commission électorale nationale indépendante (Céni) a salué dimanche dans un communiqué le "climat apaisé et serein" de l'élection au taux de participation "dépassant les 60% selon les premières estimations".
Lors de la précédente élection présidentielle en 2019, Azali Assoumani, qui brigue un troisième mandat consécutif, avait été réélu avec 60% des voix au premier tour mais les résultats avaient été contestés. Le dépouillement a commencé dans la soirée, parfois à la bougie comme à la Coulée, quartier nord de la capitale Moroni, et sous importante surveillance policière, a constaté l'AFP.
Devant, des citoyens sont regroupés. "Ce sont de faux votes. Nous attendons les résultats même si nous savons qu'ils ne seront pas sincères", déplore Anrafdine Macon, jeune homme d'une vingtaine d'années. Dans le centre, le rappeur Cheikh MC attend aussi. "Pour moi ce ne sont pas des élections. On assiste à un jeu dangereux susceptible d'exploser", dit-il, même si les manifestations sont rares et souvent interdites dans le pays.
A quelques mètres, Hania Abderemane, qui travaille au Trésor, se réjouit au contraire que le président Azali "soit en tête". "On voyait la mobilisation lors de nos meetings", ajoute la jeune femme.
Vote retardé, matériel électoral manquant dans des fiefs de l'opposition, assesseurs empêchés d'observer la régularité du scrutin: les opposants ont constaté de nombreuses irrégularités. "Les bureaux ont commencé généralement avec du retard", a souligné auprès de l'AFP une observatrice de l'Union africaine.
"L'opposition fait montre de petit esprit complotiste", a fustigé le directeur de campagne du président sortant, Houmed Msaidie, réfutant toute fraude électorale.
Gain de "temps et d'argent"
Après avoir voté dans sa ville natale de Mitsudje, près de la capitale Moroni, Azali Assoumani, 65 ans, avait exprimé sa "confiance" en une victoire. "La confiance est toujours là, mais c'est Dieu qui va décider et le peuple comorien. C'est les prières qu'on fait tous les jours, pour qu'on gagne au premier tour. On gagne du temps, on gagne de l'argent", a-t-il déclaré expéditif à l'AFP, attribuant le manque de participation au "mauvais temps".
Devant les bureaux de vote de Moroni, sous une pluie battante, ni files d'attente, ni foule d'électeurs enthousiastes n'attendaient pour voter. Cette semaine, l'opposition avait déjà dénoncé des irrégularités dans l'organisation du scrutin, notamment la publication des listes électorales et la composition des membres des bureaux de vote.
Quelque 340.000 électeurs devaient choisir entre six candidats à la présidence et élire les gouverneurs des trois îles de l'archipel de l'océan Indien: Grande-Comore, Anjouan et Mohéli. Arrivé une première fois par un coup d'Etat en 1999 à la tête du pays qu'il dirige d'une main de fer, le colonel Azali est revenu au pouvoir en 2016. Il a vanté pendant sa campagne la construction de routes et d'hôpitaux. "Azali, architecte des Comores de demain", assurent ses affiches placardées dans les rues.
Mais dans le micro-Etat où 45% de la population vit sous le seuil de pauvreté et où le quotidien est affligé de coupures d'eau, d'électricité, ainsi que d'une hausse dramatique des prix de l'alimentation, son bilan est souvent critiqué. Azali, qui a jeté en prison et poussé à l'exil nombre d'opposants, avait fait passer en 2018 une réforme constitutionnelle permettant une centralisation des pouvoirs par l'exécutif. L'opposition accuse les institutions de collusion avec le pouvoir.
De nombreux Comoriens vivent à l'étranger et notamment en France, où la diaspora est estimée à environ 300.000 personnes. La justice comorienne avait rejeté un recours réclamant que le droit de vote de la diaspora soit garanti. Les résultats du premier tour doivent être publiés dans la semaine.
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