En rouge et jaune, les partisans de Hakainde Hichilema, surnommé "HH", principal opposant au président sortant Edgar Lungu, sillonnent le township de Matero, dans l'ouest de la capitale Lusaka, pour convaincre les électeurs aux maigres perspectives économiques de voter pour leur champion jeudi.
Lovemore, tailleur de 38 ans, vit dans une petite maison en briques sans eau courante, en face d'un local de campagne du Parti uni pour le développement national (UPND). Des partisans enthousiastes se rassemblent dans la ruelle en terre devant sa cour.
Un jeune homme, un écouteur sur l'oreille l'autre qui pendouille, jette un regard furieux au convoi bruyant de voitures, pick-ups, minibus et se fraie un chemin à travers la foule dansante. "Il y a trop de bruit!", crie-t-il.
Comme beaucoup de Zambiens, les gens de Matero subissent en première ligne les effets de l'inflation et de la dette, accentués par la pandémie de coronavirus. Ils peinent à joindre les deux bouts.
"Le prix des matériaux a tellement augmenté", souffle le tailleur en salopette bleue, assis sous quelques poutres habillées d'une bâche. Son atelier de fortune.
"Il n'y a eu aucune amélioration", juge-t-il, montrant à l'AFP sa machine à coudre d'occasion rafistolée de partout. Avec des revenus presque réduits de moitié depuis qu'il a commencé - en 2015, l'année même où Edgar Lungu a accédé à la tête de l'Etat -, il ne fait plus confiance au parti au pouvoir, le Front patriotique (PF).
"Les gens ont moins d'argent", dit-il avec simplicité. "Tout le monde se plaint".
Cagoules et machettes
"HH" a déjà perdu deux élections face à M. Lungu, en augmentant ses scores chaque fois. Le scrutin s'annonce serré jeudi.
Les meetings ont été interdits, en raison de la pandémie. Les deux camps ont donc improvisé des distributions de masques pour se montrer dans les rues.
Des affrontements violents et sporadiques au début du mois ont incité le président à déployer l'armée pour faire respecter l'ordre, un geste dénoncé comme de l'intimidation par l'opposition.
Les militants pro "HH" se font discrets à Lusaka, bastion traditionnel du président sortant dont la couleur verte s'étale partout sur les murs.
A Matero, un homme se présente devant l'équipe de l'AFP et soulève son pull pour montrer des croûtes de sang sur son épaule. Jonathan Mulala, 26 ans, affirme avoir été agressé par des rivaux alors qu'il passait chercher sa soeur dans un bar, habillé d'un T-shirt siglé UPND.
Tom Michelo, candidat local de l'opposition aux législatives, dit avoir signalé une quarantaine d'incidents de ce type depuis mai. "C'est pour cette raison que nous organisons des rassemblements plus larges", dit-il, la règle de trois personnes maximum pour faire du porte-à-porte n'est "pas sûre".
Bérets rouges et T-shirts imprimés "HH", les jeunes militants s'entassent à l'arrière d'un pick-up. Le cortège s'ébranle, accompagné de "protecteurs" cagoulés et armés de machettes.
En moins d'une heure, ils sont des centaines à courir le long des voitures, en criant "faka (pression) pour le changement", slogan du parti. Des enfants aux yeux brillants se disputent des prospectus, des femmes aux jupes colorées sortent de leurs petites maisons, pour voir.
M. Michelo s'arrête près d'un stand, échappant au mouvement de la foule pour attraper des T-shirts gratuits. C'est le niveau de chômage qui est l'élément clé de la campagne, reconnaît-il. "L'économie est en train de mordre."
Un peu plus tard, des affrontements avec des militants du PF ont fait une vingtaine de blessés dans le convoi de militants, avant l'intervention de soldats, a affirmé à l'AFP le porte-parole de l'UPND Bryan Chafwila.
"Ça va devenir sanglant à l'approche du scrutin", a-t-il ajouté, soucieux.