Depuis le début de la campagne le 25 mars, les portraits d'"IOG", 68 ans, qui brigue un quatrième mandat de cinq ans, la Constitution modifiée en 2010 n'en limite plus le nombre, tapissent les rues de Djibouti-ville. Ses partisans arborent ostensiblement la couleur verte de l'Union pour la majorité présidentielle (UMP).
Malgré le chômage et la pauvreté qui affectent les 875.000 habitants de ce petit pays de la Corne de l'Afrique, l'issue de l'élection ne fait guère de doute. "Nous sommes optimistes. Surtout quand on voit que l'opposition est partie en rangs dispersés", reconnaît le porte-parole du gouvernement, Mahamoud Ali Youssouf.
L'opposition est plus discrète et, surtout, morcelée. L'Union pour le salut national (USN), une coalition de sept partis créée en janvier 2013, a éclaté après s'être déchirée sur sa stratégie.
Trois de ces partis ont décidé de boycotter le scrutin. Et le reste de l'USN n'a pas pu s'accorder sur une candidature unique. Elle sera donc représentée par deux candidats: Mohamed Daoud Chehem et Omar Elmi Khaireh.
"Notre parti a décidé de ne pas participer à l'élection du 8 avril parce qu'il considère que c'est une mascarade électorale, que les conditions minimales de transparence ne sont pas garanties", explique Daher Ahmed Farah, le président du MRD.
L'opposition, qui dénonce les restrictions à la liberté de réunion et d'expression imposées par le pouvoir, s'était d'abord accordée sur un slogan: "Pas de Céni, pas d'élection".
Des motivations inavouables
La création d'une Commission électorale nationale indépendante (Céni) était une de ses revendications clés de l'accord-cadre signé en décembre 2014 avec le gouvernement.
Cet accord devait permettre de dénouer la crise née des législatives de 2013, que l'opposition estimait avoir remportées malgré des résultats officiels donnant la victoire à l'UMP. Il lui octroyait 10 députés, au lieu des 52 auxquels elle considérait avoir droit.
Une Céni a bien été créée, mais l'opposition en conteste la composition et la considère assujettie au pouvoir. Pour Daher Ahmed Farah, l'accord-cadre était surtout "une petite manoeuvre" du régime, qui lui a permis de "démobiliser l'opposition".
"L'expérience du boycott entre 2003 et 2013 a montré que cela ne nous avait pas avancés", réplique Mohamed Daoud Chehem, pour justifier sa candidature.
L'autre candidat de l'USN, Omar Elmi Khaireh, parle du besoin de "changement" et de la nécessité de mettre fin à "38 ans de dictature", depuis l'indépendance de cette ancienne colonie française en 1977.
Ils ont "d'autres motivations, inavouables celles-là", estime cependant le MRD, sous-entendant que ces candidatures auraient été suscitées par le pouvoir, pour donner une apparence de normalité au scrutin.
Une élection verrouillée
Participer à l'élection, "c'est une manière de légitimer le président actuel", estime également Zacharia Abdillahi, président de la Ligue djiboutienne des droits de l'Homme (LDDH) et député USN. "Cette élection est verrouillée, elle est gagnée d'avance", juge-t-il.
Jouissant d'une position stratégique à l'entrée de la mer Rouge, Djibouti a lancé de vastes projets d'infrastructures financés principalement par la Chine, avec l'ambition de devenir une plateforme commerciale régionale.
La croissance est solide (6% en 2014, selon la Banque mondiale), mais la population en tire peu d'avantages. Le taux de chômage avoisine les 60%, et 23% des Djiboutiens vivent en-dessous du seuil de pauvreté absolue.
Dans les quartiers périphériques de la capitale, la colère à l'égard du gouvernement est palpable. Mais rares sont ceux qui osent l'exprimer de vive voix, de peur d'être victimes de la répression dénoncée par l'opposition.
"La jeunesse djiboutienne veut un changement absolu. Parce qu'on est totalement KO. Depuis 40 ans, on n'a vu aucun changement, aucun développement, aucune évolution", consent tout de même à dire l'un d'eux, prénommé Beuh.
Avec AFP