Se présentant comme "le soldat de l'alternance", Zéphirin Diabré, candidat à la présidentielle du 29 novembre au Burkina Faso, fait vibrer la foule amassée au stade municipal de Ouagadougou, persuadée que son "héros" va l'emporter dès le premier tour.
Chef de file de l'opposition lors de l'insurrection d'octobre 2014, Diabré, 56 ans, est un des deux grands favoris du scrutin qui doit clore la "transition" ouverte après la chute de Blaise Compaoré après 27 ans de pouvoir.
Mercredi soir, dans un stade survolté, il a promis aux 15.000 supporteurs euphoriques une victoire "Un coup K.O" (au premier tour) face à son principal rival, Roch Marc Christian Kaboré, pourtant donné en tête de la plupart des sondages.
Les "lions" et les "lionceaux" (jeunes), les militants de son parti, l'Union pour le progrès et le changement (UPC) dont le lion est le symbole, rugissent de plaisir à chacune des saillies de Diabré, qui attaque Kaboré dans son discours.
"J'ai cherché sur internet leur programme. Ca ressemble à celui de Compaoré en 2005. C'est même pipe, même tabac, même chose", lance-t-il avant de demander: "Est-ce que vous voulez aller en avant ou en arrière? Le vrai ou le faux changement?".
La foule répond en choeur. Un motard dont l'engin est recouvert d'affichettes et au phare transformé en lion harangue la foule en passant devant les tribunes pleines. Des hommes en short grimés aux couleurs de l'UPC de la tête au pied dansent tandis qu'un chanteur local chauffe le stade avec des paroles entraînantes: "On ne peut plus nous convaincre avec des sacs de riz!"
Candidate à la députation pour la région de Ouagadougou, Fatimata Ouédraogo questionne les militants au micro: "Est-ce que vous avez eu de l'argent pour venir? Est-ce qu'on vous avez eu des T-shirts?".
"Non!" lui répond-on, accusant le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) de Kaboré d'user de "ces pratiques de Compaoré".
"Décontamination"
Poster du "prési des jeunes" sur la tête, Abdoulaye Ouédraogo, commerçant de 32 ans, crie son approbation. "Le vrai changement c'est avec Diabré, lance-t-il. Il a été ministre de Compaoré mais c'était avant. C'est un homme bien".
Diabré, dont les adjoints ne cessent de rappeler que Kaboré n'a rejoint l'opposition à Compaoré qu'un an avant sa chute, a lui aussi été un baron du régime. Plusieurs fois ministre, il a quitté le pouvoir pour le secteur privé, et notamment le groupe nucléaire français Areva.
"Tout à fait, explique-t-il à l'AFP. Je suis parti de mon plein gré. Je n'ai pas attendu qu'on me chasse pour devenir opposant. J'ai quitté les affaires de l'Etat en 1997. Je suis passé par le sas de décontamination!"
"Ce qui est important, ce qui fait la chimie entre les Burkinabè et moi, c'est le rôle politique que j'ai joué pour amener le changement", souligne-t-il.
L'entourage du candidat, qui se dit optimiste sur l'issue finale, espère surtout éviter l'élection dès le premier tour de Kaboré. "Au second tour, tout est possible. Diabré peut bénéficier des reports de voix des autres candidats, du +Tout sauf Kaboré!+ mais surtout du soutien des anciens Compaoristes qui ne veulent pas de Kaboré considéré comme un traître", analyse un observateur.
Diabré, issu d'une ethnie minoritaire (Bissa), se présente en rassembleur, appelant à l'union dans un pays auquel "Dieu a donné plusieurs langues".
Vêtu d'un pagne "Faso danfani" (emblématique de l'époque de Thomas Sankara qui voulait que le pays consomme ce qu'il produisait), Diabré, souvent perçu comme un ultra-libéral, n'hésite aujourd'hui pas à revendiquer des valeurs du "père de la révolution" et notamment le "Burkindi" (lutte contre la corruption au Burkina) assurant: "Je veux terminer le travail que Sankara a commencé".
Il promet aussi "une nouvelle politique économique et sociale. Une transformation de l'économie. Plus de justice et un soin particulier donné aux jeunes et à la femme".
"Les gens veulent du nouveau. Les apprentis de Compaoré, ils n'en veulent plus", lance-t-il, en quittant le stade sous les vivats et les cris "Prési! Prési! Prési"!
AFP