A trois jours du second tour qui doit les départager dimanche, et après un entre-deux-tours électrique, les deux anciens Premiers ministres ont échangé jeudi soir à fleurets mouchetés sur leurs projets de société et l'ampleur des réformes qu'ils préconisent.
"C'est vrai que mon projet est plus radical, peut-être plus difficile", a lancé François Fillon, chef du gouvernement de l'ex-président Nicolas Sarkozy entre 2007 et 2012, qui ne cache pas son admiration pour la Dame de fer britannique Margaret Thatcher.
Face à une gauche en miettes, le vainqueur de cette primaire a, selon les sondages, toutes les chances d'être élu président dans cinq mois face à la candidate de l'extrême droite Marine Le Pen.
Arrivé largement en tête du premier tour de la primaire, François Fillon, 62 ans, promet de "réduire de moitié le chômage" en cinq ans et de faire de la France "la première puissance européenne" dans 10 ans, en administrant une cure d'austérité au pays.
Remise à plat du code du travail, allongement de la durée du travail, réformes des retraites, surpression d'un demi-million de postes de fonctionnaires, il veut créer un "déclic psychologique" afin de montrer aux Français mais aussi "à l'extérieur" que la France peut se réformer.
"Supprimer 500.000 fonctionnaires, ce n'est pas possible", a rétorqué Alain Juppé, 71 ans, partisan lui de "réformes profondes, crédibles" mais "sans brutalité". "On ne peut pas demander à un fonctionnaire de travailler plus pour gagner moins", a-t-il insisté.
"Je ne dis pas que c'est facile mais c'est possible", a rétorqué François Fillon, accusant son adversaire de ne "pas vouloir vraiment changer les choses". Il y a quelques semaines, il avait ironisé sur la campagne au goût de "tisane" de son concurrent.
Nettement distancé à l'issue du premier tour dimanche, Alain Juppé (28,6% des voix) avait attaqué depuis tous azimuts son concurrent (44%), au point que plusieurs ténors de son camp ont appelé à la fin des hostilités.
- 'Ma conscience me regarde' -
Si les échanges sont restés courtois jeudi soir, le maire de Bordeaux (sud-ouest) a souligné méthodiquement tous ses points de désaccord avec son rival dont il avait critiqué cette semaine la "vision extrêmement traditionaliste" sur les questions de société, notamment l'avortement.
Refusant d'être caricaturé en "conservateur moyenâgeux", M. Fillon a assuré qu'il n'entendait pas remettre en cause l'interruption volontaire de grossesse, même si ce fervent catholique n'y est pas favorable à titre personnel. "Ma conscience, elle me regarde."
Alors que François Fillon refusait une vision "multiculturaliste" de la France, Alain Juppé a soutenu que "l'identité de la France c'est d'abord la diversité" des origines, des couleurs de peau, des religions.
Autre divergence entre les deux concurrents: la politique étrangère, en particulier sur les relations avec la Russie.
Alain Juppé s'est ainsi dit "choqué" que le président Vladimir Poutine ait "choisi son candidat" en évoquant ses "très bonnes relations" avec François Fillon.
"Il se trouve que nous avons travaillé ensemble car j'ai été Premier ministre pendant cinq ans et il a été Premier ministre pendant cinq ans", s'est défendu ce dernier. "Ce sont les seules relations que nous avons", a-t-il dit.
François Fillon souhaite discuter davantage avec Moscou, estimant que son isolement conduit le Kremlin à "se durcir, à s'isoler, à actionner les réflexes nationalistes". Il veut aussi associer l'Iran aux discussions en vue de trouver une issue à la guerre en Syrie. Mais il ne veut pas pour autant renoncer à l'"alliance" de la France avec les Etats-Unis.
Longtemps relégué au second plan par les instituts de sondages, François Fillon a créé la surprise au premier tour de la primaire avec ses 44% de suffrages. Autre coup de tonnerre du scrutin: l'élimination de l'ex-président Sarkozy.
Fort de ce score et du ralliement de son ancien "patron", François Fillon aborde le second tour en grand favori. Il est crédité de 65% des voix contre 35% à Alain Juppé, selon un sondage Ifop-Fiducial.
La presse française saluait vendredi matin la bonne tenue du débat. "François Fillon et Alain Juppé ont privilégié le fond... avec de petites tensions", titrait Le Parisien.
Avec AFP