Dans cet environnement apaisé, le sénateur de Floride Marco Rubio a pu faire valoir les qualités qui lui avaient valu son ascension initiale, avant sa chute en grâce ces dernières semaines: une évidente connaissance des dossiers associée à une éloquence toute télégénique. Il a besoin d'un exploit lors de la primaire en Floride, mardi, une échéance en forme de couperet pour sa candidature à bout de souffle.
Donald Trump avait promis de bien se comporter et a tenu parole, apparemment désireux de projeter une image plus présidentielle. Il n'a pas interrompu ses rivaux de la soirée et débattu calmement, d'une voix posée et presque basse, négligeant même de répliquer à certaines attaques.
"Je n'arrive pas à le croire, tout cela est très civil", s'est-il écrié, faussement épaté. "Soyez intelligents et unis", a-t-il aussi dit en conclusion du débat de deux heures à Miami, diffusé sur CNN.
Le favori des sondages a lancé un appel aux républicains inquiets de sa personnalité clivante et de son langage incendiaire, alors que les primaires de mardi prochain, dans cinq grands Etats, pourraient sceller son triomphe.
"Nous sommes tous dans le même bateau", a-t-il plaidé. "Nous allons trouver des solutions, nous allons trouver des réponses".
Cela ne veut pas dire que ses adversaires ont tu leurs critiques contre le milliardaire. Quand Donald Trump a répété que l'islam haïssait les Etats-Unis --pas forcément les 1,6 milliard de musulmans mais "beaucoup d'entre eux", a-t-il insisté--, Marco Rubio a sermonné le candidat, martelant que le président des Etats-Unis ne pouvait pas dire tout ce qui lui passe par la tête.
"Vous pouvez être politiquement correct si vous voulez, moi je veux résoudre des problèmes", a dit Donald Trump.
"Etre politiquement correct ne m'intéresse pas. Ce qui m'intéresse, c'est d'être correct", a objecté Marco Rubio.
- Pas de pugilat -
Quel que soit le sujet, l'ombre de l'homme d'affaires survolait les échanges. Face à son flou sur la réforme des programmes publics de retraite et de santé, Marco Rubio lui a dit que "le compte n'y était pas".
Ses adversaires lui ont reproché d'avoir promis d'être "neutre" pour relancer les négociations israélo-palestiniennes, ou de ne pas s'engager à annuler immédiatement l'accord nucléaire avec l'Iran. Sa déclaration passée qu'il ciblerait les familles de suspects terroristes a fait l'unanimité contre elle.
"Bien sûr que non, nous n'avons jamais ciblé de civils innocents, nous n'allons pas commencer maintenant", a dit le sénateur du Texas Ted Cruz, deuxième des primaires.
"Sa réponse est toujours, ah, si quelqu'un d'intelligent était au gouvernement, tout irait mieux", a-t-il aussi déploré.
Mais Donald Trump a joué l'apaisement tout au long de la soirée, alors que les dernières émissions avaient tourné au pugilat.
Il a semblé regretter les incidents de violence dans ses meetings contre des manifestants. Relancé plusieurs fois, il n'a toutefois pas pu résister, lâchant: "Ils sont vraiment dangereux, ils frappent les gens". Il a bien reproché à Ted Cruz sa "malhonnêteté", mais contrairement à son habitude, il ne l'a pas traité de menteur, de même qu'il n'a pas tenté d'humilier celui qu'il aime appeler "le petit Marco".
La conversation a enfin roulé sur l'investiture et le scénario rare où aucun des quatre candidats n'arriverait à la convention d'investiture de juillet à Cleveland avec la majorité absolue des délégués requise, soit 1.237. Dans ce cas, plusieurs tours de vote seraient organisés, permettant aux délégués attachés à un candidat de se reporter sur un autre en fonction de leurs préférences personnelles, voire de celles de l'establishment du parti.
Le gouverneur de l'Ohio, John Kasich, bon dernier des primaires qui joue sa survie mardi, a refusé la proposition que le candidat arrivant en tête soit automatiquement investi.
Mais l'idée que l'investiture puisse échapper au républicain ayant recueilli le plus de délégués est rejetée par de nombreux républicains qui craignent un scandale, à commencer par Donald Trump.
"Avant toute chose, je pense que j'aurai les délégués, d'accord?" a-t-il dit. "Mais si personne n'a les délégués (...) celui qui arrive en tête doit l'emporter".
Avec AFP