En 1981, dans le titre "Controversy", Prince chantait son incompréhension du besoin permanent de le définir: Noir? Blanc? Hétérosexuel? Homosexuel?
L'artiste décédé jeudi à 57 ans, connu un temps sous le nom de "Love Symbol", détestait les étiquettes et ne pouvait, de toutes façons, être défini de manière évidente.
Il y avait le Prince scandaleux, celui qui posait en slip noir ou qui se présenta pour assurer la première partie des Rolling Stones, en octobre 1981, en bikini et trench coat, avant d'être conspué par le public.
Il a même posé complètement nu sur l'album "Loxesexy", sorti en 1988.
Sur ses trois premiers albums, "For You", "Prince" et "Dirty Mind", plusieurs textes offrent des descriptions sexuelles très imagées, accompagnées par une funk nerveuse.
"Head" met notamment en scène une vierge en robe de mariée qui réalise une fellation sur Prince.
L'atmosphère était la même sur "Controversy", avec des titres comme "Do Me, Baby" ou "Jack U Off", mais l'ensemble a pris soudain un tour politique dans une Amérique redevenue conservatrice avec l'élection de Ronald Reagan.
Un autre morceau de Prince Rogers Nelson, son nom complet, a même fait de lui un symbole de l'influence indésirable supposée de la musique moderne sur les enfants, dénoncée par des élus américains.
En 1985, la femme du sénateur démocrate Al Gore, futur vice-président et candidat à l'élection présidentielle, avait dénoncé le fait que le titre "Darling Nikki", présent sur l'album "Purple Rain", puisse être acheté et écouté par des enfants.
Les premiers mots de la chanson dépeignent Nikki en train de se masturber dans le hall d'un hôtel.
"Darling Nikki" a incité Tipper Gore à lancer le mouvement "Parents Music Resource Center", lequel a obtenu, la même année, la création d'une signalétique sur les disques avertissant l'acheteur en cas de textes au contenu "explicite".
- Pourpre, rose, paillettes et talons -
Le parfum de scandale, la liberté de moeurs semblaient aussi véhiculés par les choix vestimentaires de Prince.
Tenues moulantes, le plus souvent pourpre mais aussi parfois jaune canari ou rouge sang, Prince avait un style unique, aussi féminin que masculin, entièrement réalisé sur mesure, en partie du fait de sa petite taille (1,57 m).
Plusieurs pièces étaient même venues tout droit du vestiaire féminin, de l'étole rose aux vestes à paillettes en passant par les chaussures à talon qu'il ne quittait jamais.
Le point d'orgue restera peut-être son apparition en 1991 sur la scène des MTV Video Music Awards.
Costume tout en dentelle jaune laissant apparaître ses fesses, contorsions suggestives, gémissements joués en boucle, tandis que des dizaines de danseurs dénudés mimaient une orgie en toile de fond.
Mais cet artiste sulfureux a cohabité, ces dernières années, avec un Prince pieux, empreint de principes religieux rigoristes.
En 2001, après de longues discussions avec le bassiste du groupe emblématique de funk et soul psychédéliques Sly and the Familly Stone, Larry Graham, lui-même converti de longue date, Prince est devenu témoin de Jéhovah.
Selon plusieurs témoignages, Prince a fait du porte-à-porte dans le Minnesota, son état natal ou il a vécu l'essentiel de sa vie, au nom des témoins de Jéhovah, pratique encouragée par le mouvement religieux.
Il a également expurgé de son répertoire, en concert, tous les titres à connotation sexuelle, "Darling Nikki" en tête.
Pour autant, poussant un peu plus loin le paradoxe, il a continué à introduire des références sexuelles dans des morceaux qu'il a publié par la suite.
Alors que son androgynie et son refus apparent des conventions pouvaient donner une image d'ouverture implicite vers les communautés gays et lesbiennes, il a plutôt tenu le discours contraire.
"Dieu est venu sur terre, a vu les gens mettre leur sexe un peu partout et faire ça de toutes les façons possibles et il a fait le ménage. Il a dit: assez", avait-il déclaré lors d'un entretien au magazine "The New Yorker" en 2008.
Avec AFP