Les autorités françaises ont lancé lundi une série d'opérations visant la mouvance islamiste et promis "une guerre contre les ennemis de la République", trois jours après l'assassinat du professeur Samuel Paty, qui a donné lieu à de nouvelles arrestations.
Quinze personnes, dont quatre collégiens, sont désormais en garde à vue et interrogées par les enquêteurs antiterroristes qui cherchent à établir si le présumé meurtrier, un Russe tchétchène de 18 ans tué par la police, a bénéficié de complicités.
Selon une source proche du dossier, M. Paty a été "désigné" à l'assaillant, Abdoullakh Anzarov, "par un ou plusieurs collégiens, a priori contre une rémunération". Parmi les nouveaux gardés à vue figure également un homme condamné pour "terrorisme", qui déclare "spontanément avoir été en lien avec l'auteur quelque temps avant les faits", selon une source judiciaire.
Décapité vendredi près du collège de Conflans-Sainte-Honorine, au nord-ouest de Paris, où il enseignait l'histoire-géographie, Samuel Paty a été visé, selon le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, par une "fatwa" lancée par un parent d'élève et un prédicateur - tous deux en garde à vue - pour avoir montré des caricatures du prophète Mahomet lors d'un cours sur la liberté d'expression.
"Harceler" les islamistes
En marge de l'enquête, des opérations de police ont été lancées lundi contre des personnes et associations jugées proches de la mouvance islamiste, avec l'objectif de "faire passer un message: pas une minute de répit pour les ennemis de la République", a affirmé M. Darmanin sur la radio Europe 1. Une vingtaine de contrôles administratifs seront menés chaque jour pour "harceler" et "déstabiliser" cette mouvance, a précisé son entourage.
Ces opérations interviennent dans la foulée d'un Conseil de défense dimanche soir, pendant lequel le président français Emmanuel Macron a annoncé un "plan d'action" pour empêcher les islamistes de "dormir tranquilles" en France.
Selon M. Darmanin, 51 associations jugées proches de cette mouvance sont dans le collimateur des autorités. Il a annoncé que plusieurs d'entre elles seraient dissoutes en Conseil des ministres, citant comme exemples le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) et l'association humanitaire BarakaCity.
"La folie s'empare du ministre de l'Intérieur qui faute de ne rien trouver contre notre ONG profite de l’émotion suscitée" par le drame, a répliqué BarakaCity sur Facebook.
Depuis l'attentat, "plus de 80 enquêtes" ont aussi été ouvertes contre "tous ceux qui de façon apologique ont expliqué d'une manière ou d'une autre que ce professeur l'avait bien cherché", a indiqué M. Darmanin, affirmant que des interpellations avaient eu lieu dans ce cadre.
Affirmant que "la peur et l'obscurantisme ne l'emporteront jamais", le Premier ministre Jean Castex a annoncé "d'autres actions", notamment contre les associations "ennemies de la République", "sur la lutte contre la haine en ligne", "sur le renseignement et la surveillance de ces réseaux", ainsi qu'en matière de "sécurité des enseignants" et des établissements scolaires.
Le meurtre du professeur Paty a provoqué un électrochoc en France. Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté dimanche pour défendre la liberté d'expression et dire "non à l'obscurantisme".
Hommage national
Un hommage national à Samuel Paty sera organisé mercredi à l'université parisienne de la Sorbonne, "monument symbolique de l'esprit des Lumières et du rayonnement culturel, littéraire et éducatif de la France", a indiqué la présidence française. M. Macron a reçu lundi la famille du professeur.
Le Parlement européen a observé une minute de silence, tout comme le Sénat français. La cour d'assises spéciale de Paris, où sont jugés 14 accusés en lien avec des attentats de janvier 2015 à Paris, a aussi rendu hommage au professeur d'histoire-géographie.
Le chef de l'État a aussi rencontré dans la journée des représentants du Conseil français du culte musulman, qui dans la nuit de vendredi à samedi avait dénoncé "ceux qui cherchent une raison à ce crime ignoble".
Réunis dans l'après-midi devant le collège de M. Paty, des imams ont exprimé leur "colère" et leur "honte".
Une marche blanche sera organisée mardi soir à Conflans-Sainte-Honorine.
Après avoir réuni lundi les chefs de la police et gendarmerie, la ministre déléguée à la Citoyenneté, Marlène Schiappa, a convoqué pour mardi les patrons des branches françaises des réseaux sociaux et plateformes Facebook, Twitter, Youtube, Tiktok et Snapchat, dans le cadre de la "lutte contre le cyber-islamisme".
Droite et extrême droite ont rivalisé de propositions lundi: de la fermeture des mosquées "radicalisées" et l'expulsion des imams étrangers radicaux à un moratoire sur l'immigration, en passant par l'inscription dans la Constitution de la prééminence des règles de la République ou, comme le maire de Nice (sud-est), Christian Estrosi (droite), que les policiers deviennent "des référents laïcité" dans les écoles.