Le Pérou, meurtri par la pandémie, est dans l'incertitude lundi sur le nom de son futur président, la représentante de la droite populiste Keiko Fujimori voyant s'éroder l'avantage que lui donnaient les premiers résultats partiels.
Le candidat de la gauche radicale Pedro Castillo progressait avec la prise en compte des suffrages venus des campagnes. Au total, lundi à 05H00 locales (10H00 GMT), 88,8% des 86.488 bureaux de vote du pays avaient été décomptés avec 50,5% des suffrages pour Mme Fujimori contre 49,49%pour M. Castillo, selon l'autorité électorale.
Dimanche soir après le vote, un premier résultat partiel avait donné un avantage bien plus net à Mme Fujimori, de près de six points, et les quartiers huppés de Lima, comme Miraflores, avaient laissé éclater leur joie.
Des habitants ont lancé en soirée depuis leurs fenêtres "Vive le Pérou!" ou "Keiko a gagné!", a constaté un journaliste de l'AFP. Leurs cris résonnaient dans des rues désertes en raison du couvre-feu nocturne en vigueur à cause de la pandémie de coronavirus.
Dans le troisième pays d'Amérique du sud par sa superficie (1,28 millions de km2), les 25 millions d'électeurs appelés aux urnes ont voté depuis les villages de la jungle amazonienne jusqu'aux hauts plateaux andins en passant par les rives du Pacifique.
Dimanche, les deux vainqueurs surprise du premier tour le 11 avril, parmi 18 candidats, ont assuré qu'ils respecteraient le verdict des urnes. Alors que le dépouillement se poursuit, l'écart se réduit entre les deux candidats après le décompte de 88,8% des bureaux
Mais Pedro Castillo, 51 ans, un ancien instituteur qui jouit du soutien de électeurs ruraux, a souligné après le premier résultat partiel que le décompte de leurs voix n'était pas encore parvenu dans la capitale.
"Prudence"
"Nos votes n'ont pas encore été comptés", a-t-il déclaré dans son fief de la région de Cajamarca, à quelque 1.000 km au Nord de Lima. S'il l'emportait, il serait "le premier président pauvre du Pérou", selon l'analyste Hugo Otero.
À Lima, Mme Fujimori, 46 ans, a appelé dimanche à la "prudence" pendant le décompte.
La fille d'Alberto Fujimori, l'ex-président du Pérou (1990-2000) qui purge une peine de 25 ans de prison pour corruption et crimes contre l'humanité, se hisse pour la troisième fois au second tour, après deux défaites successives en 2011 et 2016.
Elle n'avait pas reconnu sa défaite lors de la dernière présidentielle remportée par l'ex-président Pedro Pablo Kuczynski, avant de reconnaître une "erreur".
En cas de victoire, Keiko Fujimori deviendrait la première femme présidente du Pérou et la première en Amérique à suivre une dynastie familiale. Si elle perd, elle sera poursuivie en justice, le parquet ayant requis 30 ans de prison dans une affaire de pots-de-vin présumés pour laquelle elle a déjà passé 16 mois en détention préventive.
Une mission d'observation de l'Organisation des Etats Américains (OEA) venue au Pérou pour les élections a jusqu'à présent soutenu le travail des autorités électorales.
Quel qu'il soit, le futur chef de l'Etat aura d'énormes défis à relever dans le pays qui a le plus haut taux mondial de décès du coronavirus et comptabilise trois millions de nouveaux pauvres en un an.
Peurs et divisions
Ecartelés entre deux extrêmes où une majorité avait du mal à se reconnaître, les électeurs d'un pays où le vote est obligatoire étaient surtout préoccupés par la pandémie qui a déjà fait plus de 184.000 morts.
Les deux candidats, franchement antagonistes, ont beau avoir appelé à l'unité, l'après-campagne risque d'être difficile tant chaque camp a alimenté les peurs et divisé le pays.
Le futur président devra prendre des mesures urgentes pour surmonter la pandémie, la récession économique et l'instabilité institutionnelle chronique du pays dont le PIB à plongé de 11,12% en 2020.
Il devra s’accommoder d'un Parlement fragmenté, issu des législatives d'avril, et coutumier d'alliances de circonstance qui ont conduit à la destitution de deux présidents: Pedro Pablo Kuczynski en 2018 et son successeur Martin Vizcarra en 2020.
Le nouveau président prendra ses fonctions le 28 juillet, jour de la commémoration du bicentenaire de l'indépendance du Pérou, et remplacera le président par intérim Francisco Sagasti qui a exhorté ses compatriotes à "respecter scrupuleusement la volonté exprimée dans les urnes".