Les Zambiens doivent décider jeudi s'ils veulent réélire le président Edgar Lungu, au pouvoir depuis 2015, ou permettre enfin à son rival de longue date, Haikainde Hichilema, surnommé "HH", de prendre les commandes de ce pays d'Afrique australe qui compte 17 millions d'habitants.
Si du côté du pouvoir on affiche une posture optimiste, les analystes prédisent un scrutin très serré.
Des violences sporadiques ont opposé militants du Front patriotique (PF) au pouvoir à ceux du principal parti d'opposition, l'UPDN, incitant le président à déployer l'armée la semaine dernière, une décision dénoncée comme une tactique d'intimidation par l'opposition.
Ce n'est pas la première fois que le président Lungu, âgé de 64 ans, affronte HH, 59 ans, richissime homme d'affaires autodidacte. Ce dernier s'était incliné de justesse à deux reprises face à Lungu: en 2015, après le décès du précédent président Michael Sata, puis lors d'élections générales l'année suivante.
Mardi l'ancien ministre de la Justice Given Lubinda, directeur de campagne de Nkandu Luo, la candidate du parti au pouvoir à la vice-présidence, a confié à Peter Clottey de la VOA que le président sortant devrait remporter 55% des suffrages exprimés. Une marque d'optimisme qui semble trancher avec la réalité du terrain.
Une femme à la vice-présidence
Quelle que soit l'issue du scrutin, une chose est sûre: une femme sera vice-présidente. Car chacune des cinq principales formations politiques en lice pour ce scrutin a désigné une femme pour le rôle crucial de numéro 2.
S'il est vrai qu'une femme occupe en ce moment ce poste -- en l'occurence la vice-présidente sortante Inonge Wina -- c'est la toute première fois que le pays aligne simultanément cinq femmes candidates à la vice-présidence.
Les difficultés économiques ont érodé le soutien à Lungu, accusé d'avoir emprunté de manière insoutenable pour financer des projets d'infrastructure tape-à-l'œil alors que le coût de la vie montait en flèche. Lundi encore, le président inaugurait un terminal d'aéroport nouvellement construit dans la capitale, Lusaka.
Dans ce bastion historique du parti au pouvoir, les insignes verts du PF dominent les panneaux d'affichage qui bordent les routes et les ponts récemment construits. Ils vantent les "réalisations" dans les domaines du bâtiment, de l'agriculture et de l'emploi des jeunes.
"Je vais voter PF", explique à l'AFP Justina Nsama, qui tient un étal de fruits sur un marché animé du centre. "Ils sont travailleurs et Lungu est fort et humble à l'égard du peuple", juge cette femme de 42 ans, arborant le visage de son champion sur son T-shirt blanc.
Drôle de campagne
Les soutiens de l'opposition font au contraire profil bas, portant même parfois du vert pour éviter les agressions de leurs rivaux. On appelle ça la "tactique de la pastèque": rouge - la couleur de l'opposition - à l'intérieur, vert à l'extérieur.
"On ne se sent pas en sécurité. Il y a tellement d'intimidations", explique William Njombo, un pasteur de 42 ans bénévole au siège du parti, un bâtiment discret du centre de Lusaka.
Seule une campagne de porte-à-porte a été autorisée, tout meeting interdit en raison de la pandémie de coronavirus. Chaque camp a rusé, organisant des distributions gratuites de masques pour se montrer et parler politique dans les rues.
Les équipes d'Hichilema, surnommé "HH", se sont vu bloquer l'accès à plusieurs régions, notamment la province centrale et stratégique du Copperbelt, et ses partisans dispersés à coup de gaz lacrymogènes.
Des inquiétudes ont été exprimées au sujet des listes électorales récemment remises à jour qui pourraient défavoriser l'opposition et d'une loi controversée sur la cybersécurité qui pourrait être utilisée pour bloquer l'internet.
"Le régime en place ne reculera devant rien pour manipuler le vote", a déclaré à l'AFP Anthony Bwalya, porte-parole de l'UPND.
Amnesty International avait prévenu en juin que la répression sous Lungu avait poussé la Zambie au bord d'une "crise des droits de l'Homme", avec des médias indépendants fermés et des figures de l'opposition emprisonnées.
Hichilema lui-même assure avoir été arrêté une quinzaine de fois depuis qu'il fait de la politique.
Lungu concèdera-t-il une défaite s'il est battu? "Il y a de l'appréhension" à ce sujet, estime le juriste O'Brien Kaaba. "Les militaires patrouillant dans les rues créent une dynamique nouvelle", difficile à décrypter.
Si les violences préélectorales ne sont pas rares en Zambie, chaque transition du pouvoir s'est déroulée de manière pacifique depuis que l'ancienne colonie britannique a adopté la démocratie multipartite en 1990.
Peter Clottey du service anglophone de la VOA a contribué à ce reportage depuis Lusaka.