Le 1er octobre, des manifestations se sont multipliées au lendemain du coup d'Etat qui a porté le capitaine Ibrahim Traoré au pouvoir, destituant le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, lui-même auteur d'un putsch huit mois plus tôt.
Des bâtiments français, notamment l'ambassade de France et les Instituts français à Ouagadougou et Bobo-Dioulasso, la deuxième ville du pays, ont été pris à partie par des manifestants, qui accusaient Paris de protéger le lieutenant-colonel Damiba dont ils réclamaient le départ. A Ouagadougou, la rue menant à l'Institut français est jonchée de bris de verres, de carcasses d'ordinateurs ou de climatiseurs brûlés.
Le bâtiment est désormais isolé par un périmètre de sécurité installé par la police burkinabè, a constaté mercredi un journaliste de l'AFP. Dans le sas d'entrée, les portiques et scanners à bagages ont été calcinés, le plafond et les murs noircis par les flammes.
"C'est l'œuvre de vrais monstres, qui aujourd'hui ne peuvent même pas justifier le saccage de lieux si importants pour le monde culturel, estudiantin, professionnel et artistique", lâche, entre deux soupirs, William Somda, entrepreneur culturel, dépité par "l'étendue des dégâts".
"Tous les bâtiments ont été saccagés : les deux niveaux de la médiathèque adulte, la médiathèque enfants, le centre de langue, la salle d'exposition et les deux salles de spectacle", déplore Thierry Bambara, régisseur général de l'Institut français de Ouagadougou.
"Les dégâts sont énormes. Il faudra attendre de faire le point exhaustif pour dresser un bilan chiffré des dégâts", poursuit-il, précisant que "des ordinateurs, divers autres appareils, dont des consoles, des instruments de musique ont été brûlés".
"On commence d'abord par brûler des livres et après on va brûler des hommes. Celui qui peut brûler une bibliothèque, un espace culturel, il a brûlé les hommes qui ont écrit ces livres", lance Salif Sanfo, un opérateur culturel et ancien député, scrutant les dégâts à la bibliothèque.
Dans la grande salle de la bibliothèque, les étagères renversées, des livres, couverts de suie, jonchent le sol, éparpillés entre des CD-ROM et des claviers d'ordinateurs.
"Un symbole"
"Nous nous trompons de route et nous faisons le jeu de ceux qui sont logiquement nos ennemis et qui ont brûlé les bibliothèques à Tombouctou (au Mali). Ceux qui ont incendié l'Institut français ne sont pas mieux que ces gens", les jihadistes qui ciblent le pays depuis 2015, tranche-t-il.
"C'est désolant ! Il va falloir condamner avec la plus grande fermeté les auteurs de ces actes de vandalisme", dit M. Sanfo, qui "espère ne plus voir une telle scène indigne de la légendaire hospitalité burkinabè".
"Il ne faut pas jeter l'eau du bain avec le bébé. Qu'on soit pro-russe ou anti-français, l'institut a été et est pour le Burkina Faso un symbole", dit-il, évoquant le sentiment anti-français et la présence de drapeaux russes lors des manifestations.
"Ça fait des années qu'on fréquente ce lieu qui est devenu une deuxième maison pour nous. Le voir dans cet état, par le fait d'insensés, c'est une grosse tristesse, une désolation et une perte pour les Burkinabè, en particulier les artistes", explique à l'AFP Ali Ouedraogo, artiste plasticien, l'air hagard, devant des tableaux empilés dans la salle d'exposition.
Pour l'artiste musicien et instrumentiste burkinabè Kantala, "le saccage de l'Institut est un coup dur pour nous. Nos projets prennent un coup parce que ce qui était mis à notre disposition par cet espace et son administration, on n'est pas sûr de l'avoir ailleurs". "J'ai un festival en préparation qui devait se dérouler ici à l'Institut français en décembre. Maintenant je ne sais pas comment faire !", soupire-t-il.
Les deux instituts de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso sont fermés jusqu'à nouvel ordre, a indiqué dans un communiqué l'ambassade de France, dont les services et ceux du consulat général sont également suspendus.