Les deux parties ont convenu officiellement mercredi de former un Conseil souverain composé de cinq militaires et six civils qui mènera pendant un peu plus de trois ans la transition dans ce pays gouverné pendant 30 ans par Omar el-Béchir, aujourd'hui déchu et arrêté.
Mais les négociations doivent encore résoudre des questions épineuses pour arriver à une "déclaration constitutionnelle".
- Immunité pour les généraux? -
Il s'agit du point le plus sensible des discussions prévues vendredi.
Selon des médecins liés au mouvement de contestation, 246 personnes ont été tuées depuis le début des manifestations, dont 127 lors de la dispersion le 3 juin d'un sit-in devant le QG de l'armée à Khartoum.
Déclenché le 19 décembre 2018 par le triplement du prix du pain, ce mouvement de protestation inédit s'est rapidement transformé en contestation contre M. Béchir, destitué par l'armée en avril, puis il a visé les généraux ayant pris le pouvoir au sein du Conseil militaire.
Ces derniers insistent pour que les représentants militaires dans le futur Conseil souverain bénéficient d'une "immunité totale" dans les dossiers liés aux violences contre les manifestants.
"Ce genre d'immunité est très problématique (...). Elle est contraire au droit international qui n'accorde aucune immunité pour les crimes de guerre et violations des droits humains", rappelle l'analyste politique Faiçal Mohamed Salih.
Les représentants de la contestation s'opposent catégoriquement à cette demande des généraux, évoquant simplement la possibilité d'une "immunité temporaire" pour les militaires du Conseil souverain, limitée au temps de leur mandat dans cette instance de transition.
"Si le Conseil militaire s'entête, cette question sera une pomme de discorde car tous les membres du mouvement de protestation refusent une immunité absolue", souligne M. Salih.
Le porte-parole du Conseil militaire, le général Chamseddine Kabbachi, a affirmé à l'AFP qu'il "n'y a pas de dispute sur l'immunité", sans donner d'autres détails.
- Parlement de transition? -
Durant les premières sessions des négociations en mai, les chefs de la protestation et les généraux s'étaient mis d'accord sur la formation d'un Conseil législatif de 300 membres, devant faire office de Parlement de transition.
Ils avaient convenu d'un quota de 67% alloué à l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), fer de lance de la contestation, au sein de ce Parlement. Mais le Conseil militaire a ensuite réclamé la révision de ce pourcentage.
"Cette question peut-être réglée en s'assurant que 67% des membres soient choisis parmi l'ensemble des membres du mouvement de contestation, y compris les groupes rebelles, les ONG et d'autres formations", relève M. Salih.
- L'avenir des paramilitaires? -
Les manifestants et les organisations de défense des droits humains ont accusé les paramilitaires des redoutées Forces de soutien rapide (RSF) d'avoir dispersé brutalement en juin le sit-in des manifestants devant le QG de l'armée à Khartoum, faisant des dizaines de morts et des centaines de blessés.
Le commandant des RSF, le général Mohammed Hamdan Daglo, également numéro deux du Conseil militaire de transition, a démenti ces accusations.
Les manifestants ont appelé maintes fois au retrait des RSF des rues de Khartoum, et M. Salih a affirmé que cette question pourrait être discutée vendredi.
"Les RSF sont une milice tribale et représentent une menace pour un Etat démocratique", estime-t-il.
Pour des manifestants, les chefs de la contestation ont fait plusieurs concessions dans les négociations.
"Ils ne peuvent offrir davantage et s'ils le font, ils perdront le soutien de la rue", selon l'analyste politique.
"Si les deux parties campent sur leurs positions, les négociations échoueront", prévient-il.
Un des principaux responsables de la contestation, Ahmed al-Rabie, a déclaré à l'AFP jeudi soir que les protestataires songeaient à demander un report des négociations avec le Conseil militaire prévues vendredi.
"Cette possibilité est à l'étude afin qu'il puisse y avoir davantage de discussions au sein du mouvement de contestation", a-t-il expliqué.
Avec AFP