Connu à Kigali sous le surnom de "KK", le général Karake, 54 ans, fut l'un des principaux chefs militaires de l'Armée patriotique rwandaise (APR), branche armée de la rébellion à dominante tutsi du Front patriotique rwandais (FPR) durant les années de guerre contre le régime hutu de Juvénal Habyarimana, de 1990 à 1994.
En juillet 1994, le FPR prenait Kigali après avoir mis en pièces les Forces armées rwandaises (FAR) et mettait fin au génocide déclenché en avril par le régime extrémiste hutu, ayant fait 800.000 morts essentiellement dans la minorité tutsi.
"KK" fut l'un des officiers du petit contingent de l'APR présents très officiellement à Kigali dès 1993, dans le cadre d'un accord de paix chancelant entre le gouvernement rwandais et le FPR.
Fin et discret, il y occupait les fonctions d'officier de liaison auprès d'un groupe d'observateurs militaires neutres déployé par l'Union africaine puis auprès de la Mission de l'ONU au Rwanda (Minuar). Un poste dont il profitait, selon ses détracteurs, pour mener clandestinement d'audacieuses opérations contre l'armée gouvernementale qui tenait alors la capitale.
Dans le cadre de ces fonctions, il s'est rendu dans plusieurs régions du Rwanda, notant les forces et faiblesses des FAR. Au sein de la Minuar, il rencontre également de nombreux sympathisants du FPR, l'occasion de mettre en place un efficace réseau infiltrant les milieux politique, économique et militaire rwandais.
Depuis les années de guérilla, Karenzi Karake jouit d'une forte popularité au sein de l'APR, rebaptisée en 2002 Forces de défense rwandaises (RDF). Il y a occupé successivement les plus hautes fonctions et des postes opérationnels, en particulier au sein des services de renseignements, qui en ont fait une figure-clé de l'appareil sécuritaire rwandais.
Il est soupçonné d'avoir joué un rôle dans les massacres de civils attribués à l'APR au Rwanda, lors de son avancée victorieuse sur Kigali et dans les mois qui ont suivi, ainsi que plus tard dans l'est de la République démocratique du Congo (ex-Zaïre).
"KK" a en effet également joué un grand rôle dans les deux guerres menées par le Rwanda dans l'est de la RDC en 1996 puis 1998, au côté du général James Kabarebe, ex-chef d'Etat-major et actuel ministre de la Défense, autre personnage incontournable du régime FPR.
Né en 1960 au Rwanda, ses parents sont, comme ceux de Paul Kagame, originaires de l'ancienne préfecture de Gitarama, dans le centre du Rwanda. Passé par les camps de l'ex-Zaïre, il vit, comme Paul Kagame, l'essentiel de son enfance en Ouganda, dans les camps de réfugiés où les Tutsi fuient les persécutions de la majorité hutu au Rwanda.
C'est cette diaspora tutsi d'Ouganda qui fournira plus tard le gros des troupes du FPR, puis de l'oligarchie militaire qui a désormais la haute main sur le Rwanda.
Anglophone comme l'essentiel de l'ancienne diaspora élevée en Ouganda, il est issu d'une famille francophone et comprend parfaitement le français. En Ouganda, avant de rejoindre le FPR, il étudie à l'Université de Makarere.
Après 1998, il a suivi des hautes études militaires en Afrique du Sud et au Kenya, puis un MBA à Londres, devenant un des officiers supérieurs les plus éduqués de l'armée rwandaise.
Charismatique, décrit comme remarquablement intelligent, l'homme ne répugnait pas un temps à échanger avec journalistes et diplomates, dont beaucoup appréciaient son - relatif - franc-parler.
Le général Karake fut en 2008-2009 le numéro deux de la Minuad, mission de paix ONU-UA déployée au Darfour, dans l'ouest du Soudan. C'est à cette période qu'un mandat d'arrêt espagnol avait été émis contre lui.
Comme plusieurs barons du régime avant et après lui, il est brièvement tombé en disgrâce en avril 2010, a été placé en résidence surveillée pour "mauvaise conduite", puis libéré quelques mois plus tard après avoir "demandé pardon". Mi-2011, le général "KK" était finalement revenu sur le devant de la scène, pour prendre la tête des services de renseignements, tout puissants au Rwanda.
C'est l'une des rares personnalités susceptibles de faire de l'ombre au président Kagame, qui tient le pays d'une main de fer depuis plus de vingt ans.
Avec AFP