Le oui semble assuré de l'emporter: le pouvoir mène une campagne à gros moyens qui écrase celle du non et il peut compter sur le ralliement d'un des principaux opposants jusqu'alors, Succès Masra, face à une opposition divisée et cible d'une violente répression depuis plus d'un an.
A N'Djamena, les affiches couvrent les murs pour le OUI à une constitution pour un "Etat unitaire et décentralisé", qui ne diffère pas franchement de celle que les militaires ont abrogée en 2021, consacrant un régime où le chef de l'Etat concentre l'essentiel du pouvoir. Une frange de l'opposition tenante du non prône plutôt le fédéralisme.
"Dynastie Déby"
Mais les deux principales plateformes de partis hostiles à la junte appellent au boycott et collent, où elles le peuvent, des affiches "Halte au référendum" barrées d'une grande croix rouge. Elles espèrent qu'une faible participation délégitimera un général qu'elles accusent de perpétuer une "dynastie Déby" de 33 ans.
Comme la coalition Wakit Tamma, dont les cadres ont fui en exil une impitoyable répression depuis 2022.
A 37 ans, Mahamat Déby avait été proclamé par l'armée le 20 avril 2021 Président de transition à la tête d'une junte de 15 généraux, à la mort de son père Idriss Déby Itno, tué par des rebelles en se rendant au front. Il dirigeait d'une main de fer depuis plus de 30 ans cet Etat d'Afrique centrale, deuxième pays le moins développé au monde selon l'ONU.
Mahamat Déby avait aussitôt promis de rendre le pouvoir aux civils par des élections après une transition de 18 mois et s'était engagé auprès de l'Union africaine à ne pas s'y présenter. Dix-huit mois plus tard, son régime prolongeait la transition de deux ans et lui permettait d'être candidat à la présidentielle prévue fin 2024.
"Ceux qui battent campagne pour le non et pour le oui sont les mêmes, ils se sont partagés l'argent (...) Le résultat est déjà connu, le oui va passer", clamait dimanche dans un meeting Badono Daigou, un responsable de l'autre plateforme de l'opposition, le GCAP. L'Etat unitaire est le seul moyen de préserver l'unité, le fédéralisme favoriserait le "séparatisme" et le "chaos", fait valoir le camp du oui.
Opposition réprimée
"Nous appelons les populations à rester à la maison dimanche", explique Max Loalngar, coordinateur de Wakit Tamma, au téléphone avec l'AFP depuis un pays qu'il ne souhaite pas nommer, où il a fui après une manifestation réprimée dans un bain de sang le 20 octobre 2022.
Ce jour-là, entre cent et plus de 300 jeunes hommes et adolescents ont été tués par balles à N'Djamena par les policiers et militaires, selon l'opposition et des ONG nationales et internationales. Ils manifestaient pacifiquement contre la prolongation de deux ans de la transition. Plus d'un millier ont été emprisonnés avant d'être graciés, quand ils ne sont pas portés disparus selon ONG et opposition.
La plupart étaient des partisans de Succès Masra. Or, fin octobre, cette jeune figure emblématique de l'opposition à Déby père puis fils, a signé un accord de réconciliation avec le pouvoir et est rentré d'exil. Il appelle à voter oui dimanche.
Depuis ce "jeudi noir" de 2022, les manifestations sont systématiquement interdites. Et durant la campagne référendaire, les rassemblements de l'opposition ont été la cible de vexations. Le 7 décembre, policiers et militaires ont arraché les croix rouges sur tous les véhicules d'une caravane de campagne, dispersée ensuite à coup de gaz lacrymogène.
Plébiscite
Les résultats officiels seront proclamés le 28 décembre, selon le calendrier du gouvernement.
"Je ne vais pas voter parce que les résultats sont connus d'avance, tout est en place pour que le oui passe", s'emporte Issa, un fonctionnaire de N'Djamena qui refuse de livrer son nom par peur de représailles. "Je vais voter oui parce que l'Etat unitaire c'est le choix de la majorité des Tchadiens pour préserver l'unité", rétorque Mahamat Saleh, "opérateur économique".
Ce référendum, "c'est pour plébisciter (...) les autorités, ça vise à légitimer purement et simplement la dynastie qu'on voudrait nous imposer", insiste Max Loalngar.
"Pour qu'il y ait une quelconque légitimité, les partis d'opposition et leurs militants doivent se sentir libres de se réunir et de faire campagne. Dans le cas contraire, le référendum risque d'être perçu comme un moyen de transformer le gouvernement de transition en un gouvernement permanent", estimait en octobre l'ONG Human Rights Watch (HRW).
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