Amina Yusuf est bouleversée lorsqu’elle décrit les derniers instants de la vie de son fils de cinq ans, tué selon elle lorsque la police a ouvert le feu sur une des manifestations qui secouent le Nigeria depuis une semaine.
Le petit garçon, Muhammad Sani, se tenait dans l'embrasure de la porte d'entrée de la maison familiale de Kano, une grande ville du nord, lorsque les balles policières ont sifflé autour des manifestants mobilisés contre la hausse des prix et la mauvaise gouvernance, explique-t-elle.
Touché par un tir, il s'est vidé de son sang avant qu'elle ne puisse l'emmener à l'hôpital, dit-elle cette femme de famille de 37 ans.
"Je ne pardonnerai jamais au policier qui a tiré le coup de feu sur mon enfant", a-t-elle confié par téléphone à l’AFP.
Les forces de l’ordre ont rapporté que sept personnes étaient mortes, mais nient toute responsabilité.
Alors que la mobilisation a faibli au fil des jours à la suite de la répression policière, les familles des victimes demandent des comptes aux autorités pour pouvoir faire leur deuil.
Dans le quartier de Rijiyar Lemo, à Kano, Ladidi Umar pleure la mort de son fils de 22 ans, Bashir Lawan, un vendeur de voitures tué samedi.
"Bashir a reçu une balle dans la jambe et est tombé. Au lieu de le laisser, les policiers lui ont également tiré dans l'abdomen, ce qui lui a été fatal", a déclaré à l'AFP cette femme de 55 ans.
"Je demande que les policiers qui ont délibérément tiré sur mon fils et l'ont tué soient retrouvés et qu'ils assument les conséquences de leurs actes. Je veux que justice soit faite", a-t-elle ajouté.
"Je demande justice"
Au cours des manifestations, l’Etat de Kano a connu une vague de violences plus importante que dans le reste du pays.
Au moins sept personnes y ont été tuées et une autre à Azare, une autre ville du nord, a indiqué mercredi Isa Sanusi, le directeur d'Amnesty International au Nigeria.
Six autres ont péri dans la ville de Suleja, près de la capitale Abuja (centre), quatre à Maiduguri (nord-est) et trois à Kaduna (nord-ouest) jeudi 1er août, avait écrit Amnesty dans un communiqué publié sur le réseau social X.
Amnesty a accusé les policiers d'avoir fait usage d'une force excessive, notamment en tirant à balles réelles.
La police de Kano a déclaré qu'elle enquêtait pour déterminer si les policiers étaient responsables des décès survenus dans la ville.
Elle affirme également avoir arrêté des centaines de personnes dans la ville pour "destruction, pillage et incitation au chaos".
Pays le plus peuplé d'Afrique, le Nigeria traverse une grave crise économique, alors que le président Bola Ahmed Tinubu a mis en place une série de réformes économiques après son arrivée au pouvoir en mai 2023.
M. Tinubu a mis fin à la subvention des carburants et au contrôle des changes, ce qui a entraîné un triplement des prix de l'essence et une hausse du coût de la vie avec une inflation des denrées alimentaires dépassant les 40%.
Pour les familles qui souffrent déjà de la crise économique, la perte de leurs proches est un nouveau coup dur. Les deux mères avec lesquelles l'AFP s'est entretenue ont demandé à la police de leur verser des indemnités.
"L'un de nos soutiens de famille est mort. Il est mort entre les mains de la police et elle devrait payer pour son sang", a déclaré Ladidi Umar.
De son côté, Amina Yusuf regrette que "la police n'a pas montré de remords et n'a même pas présenté ses condoléances".
"Je demande justice et réparation. Je sais que cela ne compensera pas la perte de mon enfant, mais cela atténuera la douleur", a-t-elle indiqué.
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