Âgé de 47 ans, fils, petit-fils et arrière-petit-fils de Premiers ministres indiens, Rahul Gandhi a été officiellement désigné pour devenir le prochain président du Congrès. Il succèdera samedi à ce poste à sa mère d'origine italienne Sonia, qui l'occupait depuis 1998.
Cette désignation marque la mise en ordre de bataille du Congrès à moins d'un an et demi des prochaines élections nationales. Ce parti y affrontera le rouleau compresseur des nationalistes hindous (BJP) du Premier ministre Narendra Modi, qui lui ont infligé une série d'humiliations électorales depuis 2014.
Devant le siège du Congrès à New Delhi, plusieurs de ses partisans faisaient sauter des pétards et dansaient dans la rue. Ils agitaient de larges drapeaux marqués d'une grande main levée, l'emblème du parti.
"J'attends ce jour depuis tant d'années. Ma joie n'a pas de limites", a déclaré à l'AFP Prem Chowdhury, membre du Congrès depuis 30 ans.
Né et élevé en vue de gouverner, celui qui a un jour comparé le pouvoir à un "poison" aura la lourde tâche de redynamiser et de rajeunir un parti miné par la corruption et usé par sa longévité.
"Il y a l'espoir que peut-être il y aura de nouveaux visages et que ces nouveaux visages amèneront de nouvelles idées", a estimé Manisha Priyam, une analyste politique de New Delhi.
Le monde politique indien se perdait en conjectures depuis des années sur le moment où Rahul Gandhi remplacerait sa mère aujourd'hui âgée de 71 ans, à la santé fragile, à la présidence de la formation qui a dirigé l'Inde la majeure partie du temps depuis son indépendance en 1947.
L'héritier n'était pas présent à New Delhi lorsque cette annonce est intervenue.
Il fait actuellement campagne au Gujarat (ouest), l'Etat d'origine de Narendra Modi, qui vote ce mois-ci pour élire son gouvernement local. Le BJP et le Congrès s'y affrontent pied-à-pied : affaiblis, les nationalistes hindous redoutent qu'une défaite dans ce bastion n'enclenche une dynamique positive pour l'opposition.
Rahul Gandhi est venu au monde le 19 juin 1970 dans une famille dont le destin épouse celui de l'histoire de l'Inde indépendante, à l'image des Bhutto au Pakistan. La dynastie des Nehru-Gandhi n'a aucun lien de parenté avec le Mahatma.
Rahul a 14 ans lorsque sa grand-mère Indira est assassinée par ses gardes du corps sikhs en 1984, 20 lorsque son père Rajiv est tué dans un attentat suicide en 1991.
Traumatisée par ces morts violentes, sa mère Sonia met des années avant de se laisser convaincre de reprendre les rênes d'un Congrès moribond à la fin des années 1990. Elle le ramène au pouvoir en 2004. Si elle refuse alors de devenir Première ministre, elle n'en gouvernera pas moins son pays dans l'ombre pendant une décennie.
Légataire d'une dynastie politique qui remonte à Motilal Nehru (1861-1931), le jeune Rahul a étudié dans les plus prestigieuses écoles d'Inde avant de fréquenter Harvard et Cambridge.
Il se jette dans la politique indienne en 2004 en se présentant dans la circonscription familiale d'Amethi, dans l'Uttar Pradesh (nord).
Ses longs séjours à l'étranger, sa discrétion médiatique et son manque de charisme nourrissent les doutes sur ses ambitions politiques. De nombreux commentateurs se demandent s'il a les qualités nécessaires pour diriger l'Inde.
Perçu comme un héritier par défaut et comme un dilettante, moins populaire que sa sœur Priyanka, Rahul Gandhi est même décrit dans un télégramme diplomatique américain de 2007 comme un homme "sans consistance".
Depuis la cuisante défaite aux législatives de 2014, qui ont vu l'accession au pouvoir du Gujarati Narendra Modi et de son Bharatiya Janata Party (BJP), il semble cependant avoir pris du poil de la bête.
On l'a ainsi vu ces dernières années multiplier les opérations médiatiques choc comme faire la queue au distributeur pendant la démonétisation, ou se faire arrêter en tentant de forcer un blocus policier dans une région en proie à l'agitation d'agriculteurs.
"Rahul a-t-il changé ou est-ce nous qui le voyons différemment ?", s'interrogeait le mois dernier le magazine en ligne The Wire.
Le BJP a accueilli avec un certain sarcasme la nomination de Rahul Gandhi, qu'il dépeint en "prince" né dans un milieu privilégié, alors que Narendra Modi est originaire de mieux populaires.
"Ce serait malvenu d'appeler ça une élection. C'est plutôt un couronnement, quelque chose comme une succession", a persiflé GVL N. Rao, le porte-parole du BJP, sur la chaîne de télévision India Today.
Avec AFP