Vingt-quatre heures après son entrée en fonctions, le chef de l'Etat devait prononcer au Cap, devant un Parlement sur son 31, le fameux discours sur l'état de la nation, reporté la semaine dernière pour cause de crise de succession.
A la tête de l'Afrique du Sud depuis près de neuf ans, M. Zuma, 75 ans, a été contraint mercredi soir de prendre la porte, lâché par son propre parti, le Congrès national africain (ANC).
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Depuis qu'il a pris les rênes de l'ANC en décembre, M. Ramaphosa tentait d'écourter le mandat de Jacob Zuma, qui expirait dans un an, convaincu que son maintien au pouvoir conduirait l'ANC à une cuisante défaite aux élections générales de 2019.
Sous la menace d'une motion de défiance, Jacob Zuma a fini par capituler, à contrecoeur.
L'annonce de son départ a été accueillie par un ouf de soulagement quasi-unanime, dans un pays malade d'une économie désespérément atone et écoeuré par la corruption qui gangrène depuis des années le sommet de l'Etat.
A peine élu, Cyril Ramaphosa, 65 ans, a promis de faire sa "priorité" de ces deux fronts et d'annoncer dès vendredi "quelques-unes des mesures que nous allons prendre".
Le président va devoir agir vite. Son élection a suscité de fortes attentes dans une population dont la majorité vit toujours dans la pauvreté un quart de siècle après la chute de l'apartheid.
"J'espère de meilleurs dirigeants. L'économie a beaucoup souffert ces dix dernières années, j'espère aussi que ça va changer", a confié à l'AFP, perplexe, un habitant de Johannesburg, Shaegan Irusen. "Mais pour être honnête, je n'en suis pas sûr".
La plus grande centrale syndicale du pays (Cosatu) a adressé à M. Ramaphosa une longue liste de revendications "d'une importance critique pour les travailleurs et leurs familles". Emploi, salaire minimum, sécurité sociale, éducation...
Ses adversaires attendent le "camarade Ramaphosa" au tournant, déterminés à ne lui accorder ni carte blanche, ni état de grâce.
"Nous ne pouvons pas perdre de temps pour relever les énormes défis auxquels la population est confrontée au quotidien", l'a prévenu jeudi le chef de l'Alliance démocratique (DA), Mmusi Maimane.
Sur les bancs du Parlement, les discussions vont déjà bon train sur le remaniement attendu du gouvernement. Tout le monde y est allé de ses conseils, voire de ses ordres.
"Vous ne vous débarrasserez du fléau de la corruption que si vous écartez du gouvernement tous ceux qui sont impliqués dans les affaires de +capture de l'Etat+ et tous les incompétents", lui a suggéré Narend Singh, un élu de l'Inkatha Freedom Party (IFP).
La "capture de l'Etat" désigne le pillage systématique des ressources publiques que Jacob Zuma est accusé d'avoir couvert.
La famille Gupta, une fratrie d'hommes d'affaires d'origine indienne proche de l'ex-président, en est devenue le symbole, soupçonnée de trafic d'influence, de détournement de fonds publics et de corruption de ministres.
Longtemps intouchable, elle est visée depuis peu par une série d'enquêtes de la police. Un des frères, Ajay, introuvable, fait l'objet d'un mandat d'arrêt.
"Une chose que Cyril Ramaphosa doit absolument annoncer, c'est le limogeage du ministre des Finances", a estimé pour sa part le chef des Combattants pour la liberté économique (EFF), Julius Malema. "L'architecte de la +capture de l'Etat+ Malusi Gigaba ne doit pas présenter le prochain budget" mercredi devant le parlement, a-t-il insisté.
Devant les députés, Cyril Ramaphosa s'est amusé jeudi de ces "conseils" ou de ces "menaces".
"Nous tiendrons compte de votre suggestion de choisir une grande équipe", leur a-t-il promis, "je vais essayer de travailler dur et de ne pas décevoir le peuple sud-africain".
Avec AFP