On se traite de bandits, on dénonce des mafias, on réclame réparation, un conseiller démissionne subitement... l'or sent le soufre au Sud-Kivu, dans l'est de la RDC, où des sociétés à capitaux chinois attendent de savoir si elles vont pouvoir reprendre leurs activités, suspendues en août par les autorités provinciales.
Leur avenir dans le territoire aurifère de Mwenga, à une centaine de km au sud-ouest du chef-lieu Bukavu, est suspendu aux conclusions d'une commission d'enquête parlementaire et à la décision du ministère des Mines.
"Nous sommes confiants, on va rebondir et nous voulons même aller plus loin: nous serons un projet pilote dans la traçabilité" de l'or, assure Rudy Cornet, consultant pour une des six sociétés concernées, Oriental Ressources Congo (ORC).
L'opacité de l'exploitation et de la vente de l'or congolais est régulièrement déplorée, l'année dernière encore par un groupe d'experts de l'ONU qui constataient des "volumes d'or de contrebande nettement plus élevés que ceux commercialisés légalement".
L'or, parmi d'autres richesses minérales dont la RDC regorge, sert aussi à financer des groupes armés et à nourrir les conflits qui ensanglantent l'est du pays depuis plus d'un quart de siècle.
"Certains opérateurs sont de vrais bandits", juge M. Cornet, mais "il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier", ajoute-t-il, en contestant toute infraction au code minier.
"On va payer"
Le 20 août dernier, le gouverneur du Sud-Kivu, décidé à "remettre de l'ordre" dans le territoire de Mwenga, avait ordonné la suspension des activités d'une demi-douzaine d'entreprises minières à capitaux chinois, afin notamment de préserver "l'intérêt de la population locale et l'environnement". Des "abus" manifestes et "multiples" ont été constatés, assurait-il.
Selon divers témoignages recueillis à Bukavu, ces entreprises ont obtempéré - leurs engins sont à l'arrêt - tout en s'activant pour faire valoir leurs arguments.
"Les sociétés sont allées à Kinshasa, on a déposé nos moyens de défense, et on attend", déclare Me Eric Kitoga, avocat congolais représentant les intérêts de Congo Blueant Minerals (CBM).
Les employés chinois de la compagnie ont été accusés de travailler avec "des visas touristiques"? "C'est faux". "On dit qu'on n'a pas indemnisé les champs des paysans? C'est faux". "Qu'on ne payait pas d'impôts et taxes. C'est faux", énumère-t-il.
"On nous reproche de ne pas avoir de titre d'exploitation" à Mwenga? "Mais la société a signé une convention avec une coopérative locale qui lui permet d'être là", ajoute l'avocat.
Certes, concède Me Kitoga, CBM est peut-être allée au-delà d'une exploitation purement "artisanale", au vu du matériel employé. "Nous savons aussi que l'environnement a été détruit" et que "cela doit être réparé", poursuit-il.
Qu'à cela ne tienne, "on va payer", dit l'avocat, convaincu que le litige va se régler "avec des amendes" et que la mesure de suspension prise au niveau provincial va être levée par Kinshasa. "Vous savez, la Chine a des relations très fortes avec le Congo, on ne peut pas demander à tout le monde de fermer et de rentrer", estime-t-il.
Même pour l'entretien de la route menant à Mwenga, les populations locales ont besoin des entreprises minières, soulignent ces sociétés.
"Ils ont tout dévasté"
"Ils ont tout dévasté: les palmeraies, les champs de manioc, de riz, les étangs piscicoles!", s'emporte Laban Kyalangalilwa, président de la communauté des Banyindu, dans la "chefferie" (collectivité) de Luindi.
Même si des "arrangements" finissent par être trouvés, il faut que ces exploitants réparent d'abord "ce qu'ils ont causé", en indemnisant les paysans qui ont perdu "leurs moyens de survie", demande-t-il.
"Nous allons porter plainte contre ces sociétés, au nom de nos administrés, des victimes", appuie Me Christian Wanduma, conseiller juridique de la chefferie voisine de Wamuzimu.
"La mission parlementaire a constaté les mafias qui sont organisées à Mwenga, nous attendons ses conclusions", ajoute-t-il, prédisant un "soulèvement" de la collectivité si le gouvernement passe l'éponge sur les méfaits supposés des entreprises ciblées.
"Les miniers prennent et s'en vont, les communautés restent, il faut garantir leurs droits", confirme Safanto Bulongo, qui a suivi le dossier Mwenga depuis fin 2020.
Interrogé le 18 octobre à Bukavu, M. Bulongo, alors conseiller "mines" du gouverneur du Sud-Kivu, promettait de se pencher sans tarder sur l'exploitation aurifère dans d'autres territoires de la province. Sa démission était annoncée peu après, sans explications.