Elle s'est rendue mardi matin à une convocation des services d'immigration, qui lui ont confisqué son passeport et l'ont obligée à prendre un vol pour Paris via Addis Abeba, a précisé l'agence de presse dans une dépêche. Dans un communiqué diffusé mercredi en fin de journée, le ministère congolais de la Communication explique que la journaliste se trouvait "en situation de séjour irrégulier" en RDC et a été par conséquent reconduite à la frontière, "dignement" assure-t-il.
Sonia Rolley, ancienne journaliste de Radio France Internationale (RFI), avait demandé en septembre une accréditation afin de prendre ses fonctions de coordinatrice de la couverture de Reuters en RDC, a indiqué l'agence. Elle a obtenu l'autorisation de couvrir début octobre à Kinshasa une conférence sur le climat et attendait depuis son accréditation.
Le ministère de la Communication souligne à ce propos que "l'analyse de (cette) demande d'accréditation (...) n'a pas été concluante", décision "relevant pleinement des services habilités" et "préalablement signifiée à l'intéressée".
Sur Twitter, le bureau d'Amnesty International pour l'Afrique de l'Est a "dénoncé" cette expulsion et demandé aux autorités de "revenir sur leur décision" qui, selon l'organisation de défense des droits humains, "illustre le climat dangereux dans lequel travaillent les médias en RDC". L'Association des correspondants de la presse internationale en RDC (ACPIRDC) s'est dite, dans un communiqué, "scandalisée" par l'expulsion de la journaliste.
Dans un rapport publié début novembre, l'organisation congolaise Journaliste en danger (JED) disait avoir enregistré cette année "au moins 124 cas d’atteintes à la liberté de la presse: 49 journalistes menacés, 37 arrêtés, 18 agressés, 17 médias ou émissions interdites, 2 journalistes enlevés, 1 tué". Ces chiffres sont en hausse par rapport à 2021 et 2020, quand JED avait dénombré respectivement 110 et 116 cas d'atteintes à la liberté de la presse.
"Inimitiés"
Quatre ans après l’arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi, "la situation de la presse au Congo n’est ni meilleure, ni pire que ce qu’elle a toujours été", commentait le rapport, en ajoutant: "Sous Joseph Kabila, on tuait des journalistes; on fermait des médias; on coupait l’internet... Sous Félix Tshisekedi, c’est le journalisme qui se meurt".
Le Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l'homme en RDC (BCNUDH) s'est lui aussi "inquiété" de l'expulsion "manu militari" de Sonia Rolley, décidée par les autorités alors que la journaliste "disposait d’un visa de séjour temporaire en attente de son accréditation". Le BCNUDH évoque "les difficultés rencontrées par d’autres correspondants de la presse étrangère pour obtenir ou renouveler leurs accréditations et exercer leur métier librement".
Le ministère concerné affirme au contraire que "des accréditations continuent à être délivrées en faveur des jounalistes de nationalités étrangères". "Ils sont toujours les bienvenus dans notre pays", dit-il, jugeant "inapproprié de considérer comme un cas d’atteinte à l’exercice de la liberté de la presse une décision administrative régulière". RFI a précisé que la Direction générale des migrations (DGM) avait conduit Sonia Rolley à l'aéroport "sans même lui permettre de récupérer ses affaires".
La radio note en outre que la journaliste, "une des plus grandes spécialistes de la RDC", venait de rejoindre Reuters "après plusieurs années à RFI, ponctuées notamment par l'enquête Congo Hold up". Celle-ci "avait révélé d'importants détournements d'argent public dans le pays, et lui avait attiré des inimitiés de politiques et d'affairistes congolais", ajoute la radio.
"C’est la première fois en 20 ans de carrière que je me fais formellement expulser. Je reste abasourdie de l’être aujourd’hui au Congo de cette manière après toutes ces années de reportages, d’enquêtes...", a commenté Sonia Rolley sur Twitter.