Alors que des bureaux votaient encore, mais que le dépouillement était déjà fait dans d'autres, un responsable de la commission électorale (Céni) a annoncé en début d'après-midi que le vote s'achèverait bien dans la soirée et que les tout premiers résultats partiels de la présidentielle seraient publiés vendredi.
Le président sortant, Félix Tshisekedi, brigue un second mandat face à 18 autres candidats, dont plusieurs poids-lourds de l'opposition qui ont dénoncé le "chaos" et les "irrégularités" entachant selon eux ces élections générales (présidentielle, législatives, provinciales et locales).
Il est difficile d'estimer combien de bureaux, sur un total d'environ 75.000, étaient concernés par la prolongation du vote jusque jeudi, décidée la veille au soir d'une première journée particulièrement compliquée. C'était le cas de bureaux dans des villages difficilement accessibles, mais également dans des grandes villes telles que Kinshasa, Lubumbashi (sud-est) ou Goma (est), selon le constat des équipes de l'AFP.
A l'Académie des Beaux-Arts de la capitale, par exemple, des dizaines de personnes étaient encore dans la file d'attente à la mi-journée. La veille, "la machine à voter avait pété" et les gens n'ont pas pu voter, expliquent sur place les agents de la Céni. En début de soirée, le vote y était fini et le dépouillement en cours.
A l'autre bout du pays, à Goma, grande cité de l'est au coeur de violences armées depuis plusieurs décennies, des électeurs et agents disent avoir passé la nuit dans la cour d'une école où le vote s'est également poursuivi jeudi. Ils manquent d'eau et de nourriture. L'ambiance est tendue, tout le monde est épuisé.
Les journalistes de l'AFP ont constaté dans ce bureau de nombreuses défaillances des "machines à voter" électroniques, dues "à la surchauffe" ou à des "pannes de batterie", selon les agents électoraux sur place.
Dans la même province du Nord-Kivu mais loin de la ville, "tout se passe bien, les opérations électorales ont débuté à 06H00", assurait le matin au téléphone Likanga Ikobo, chef d'un groupement de villages du territoire de Walikale. Deux villages du sud du Lubero, autre territoire du Nord-Kivu, "votent depuis ce matin", indiquait aussi Amini Mumbere, fonctionnaire délégué du gouverneur.
Agression
Plus de 44 millions d'électeurs, sur un total d'environ 100 millions d'habitants, étaient appelés aux urnes pour choisir parmi plus de 100.000 candidats sur les rangs pour le quadruple scrutin.
Le gouvernement a reconnu "le retard constaté dans l'ouverture de certains bureaux de vote". Mais il a félicité le peuple congolais pour sa "mobilisation" et la Céni pour sa "détermination" à organiser des élections qui se sont selon lui "globalement" bien déroulées. Cinq candidats de l'opposition à la présidentielle ont en revanche exigé "la réorganisation de ces élections ratées".
Parmi les adversaires de Félix Tshisekedi figurent Moïse Katumbi, ancien gouverneur de la région minière du Katanga (sud-est), Martin Fayulu, qui affirme que le président sortant lui a volé la victoire à l'élection de 2018, ou encore Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018 pour son action auprès des femmes victimes de viols de guerre. Suspicieux dès le départ à l'égard du processus électoral, tous ont appelé leurs militants à surveiller de près le dépouillement et l'affichage des résultats.
Des tensions sont redoutées lorsqu'ils seront annoncés, dans un pays à l'histoire politique agitée et souvent violente, au sous-sol immensément riche en minerais mais à la population majoritairement pauvre. Un correspondant de la radio française RFI a été agressé mercredi par des militants du parti présidentiel dans un centre de vote. Reporters sans Frontières a dénoncé jeudi cette agression et appelé les autorités à protéger les journalistes afin qu'ils puissent couvrir les élections "sans restriction".
La campagne électorale a été empoisonnée notamment par la situation sécuritaire dans l'est du pays, qui connait un pic de tension depuis deux ans avec la résurgence de la rébellion du M23, soutenue par le Rwanda. Certains candidats d'opposition ont été accusés d'être des "étrangers", une arme redoutable pour les discréditer dans un pays meurtri par des années de conflits. Selon des sources concordantes, des affrontements avec le M23 ont repris jeudi après une dizaine de jours sans combats.
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