Les Rwandais ont plébiscité leur président Paul Kagame, en votant massivement en faveur d'une révision de la Constitution qui doit lui permettre de se présenter pour un nouveau mandat en 2017 et de potentiellement diriger le pays jusqu'en 2034.
Le "oui" en faveur de la réforme constitutionnelle obtient 98,4% des voix, contre 1,6% au "non", selon des résultats portant sur les 30 districts que compte le pays et comprenant aussi les votes de la diaspora, communiqués samedi soir par la commission électorale, qui continue cependant à les qualifier de provisoires. Seules 100.863 personnes ont voté non.
Elu en 2003 et réélu en 2010, avec plus de 90% des voix à chaque fois, M. Kagame, 58 ans, n'a pas encore dit s'il se représenterait en 2017, date limite de son dernier mandat selon la Constitution non révisée.
Il avait indiqué que sa décision dépendrait des résultats du référendum. L'ampleur du vote en faveur du "oui" devrait l'inciter à se présenter à nouveau.
"Nous avons vu la volonté du peuple. Il est clair que ce que le peuple veut, il peut l'obtenir", a déclaré Kalisa Mbanda, le chef de la Commission électorale nationale après avoir annoncé ces résultats préliminaires.
"Ils avaient demandé le changement de Constitution et ils l'ont obtenu", a-t-il ajouté, cité par le quotidien pro-gouvernemental New Times.
Il faisait peu de doutes que le "oui" l'emporterait largement. La révision avait été présentée comme une initiative populaire par les autorités, 3,7 millions de Rwandais ayant demandé par pétition un maintien au pouvoir de M. Kagame après 2017.
Quelque 6,4 millions de Rwandais avaient été conviés à répondre par oui ou non à la question: "Êtes-vous d'accord avec la Constitution de la République du Rwanda telle que révisée pendant l'année 2015?".
Divers articles ont été modifiés en novembre par le Parlement. Mais les deux changements cruciaux concernent les articles 101 et 172 qui autorisent M. Kagame à potentiellement se maintenir au pouvoir pendant 17 années supplémentaires.
Le nouvel article 101 continue de limiter à deux le nombre de mandats présidentiels, tout en abaissant sa durée de sept à cinq ans. Parallèlement, un nouvel article 172 stipule que la réforme n'entrera en vigueur qu'après un nouveau septennat transitoire, entre 2017 et 2024. Le président sortant y sera donc éligible, de même qu'aux deux quinquennats suivants.
Critiques internationales
M. Kagame est l'homme fort du pays depuis juillet 1994: à l'époque, sa rébellion du Front patriotique rwandais (FPR) avait chassé de Kigali les extrémistes hutu et mis fin au génocide qu'ils avaient déclenché trois mois auparavant (800.000 morts, essentiellement membres de la minorité tutsi).
La révision constitutionnelle a été sévèrement critiquée par les partenaires internationaux du Rwanda, Etats-Unis en tête, qui ont appelé M. Kagame à quitter le pouvoir en 2017.
Washington avait estimé que "personne n'est indispensable" et l'Union européenne (UE) que cette réforme menée dans l'intérêt d'un "individu seulement" perdait en "crédibilité".
La délégation de l'UE à Kigali a également critiqué vendredi le "manque de temps et d'espace accordés pour le débat", en notant que le texte de la Constitution révisée n'avait été publié que "moins d'un jour avant le vote".
Le Parti démocratique vert, unique formation parmi les partis homologués à refuser cette révision, a encore dénoncé samedi le délai trop court - dix jours - entre l'annonce et la tenue du référendum, qui l'a empêché de faire campagne pour le "non".
"Après des années d'intimidations de la part du gouvernement (...) les manifestations publiques de désaccord sont rare", a observé Carina Tertsakian de l'ONG Human Rights Watch, considérant que le résultat du référendum n'était pas une surprise.
"Comme un homme nous l'a dit: il serait stupide de voter +non+, parce que ça ne changera rien", a-t-elle ajouté.
Les observateurs doutent de la spontanéité de l'engouement populaire pour cette révision, dans un pays souvent pointé du doigt pour son manque d'ouverture politique et ses entraves à la liberté d'expression.
Ils accusent le FPR, le parti présidentiel présent à tous les échelons de la société, de manoeuvrer pour permettre à M. Kagame de rester au pouvoir. Ce dernier a balayé ces critiques et dénoncé l'immixtion de la communauté internationale dans les affaires rwandaises.
"Les Rwandais ont parlé haut et fort. Ils ont pris leur destinée et celle de leur pays en main", s'est réjoui le New Times.
Avec AFP