Devant le public du Wisconsin, à West Allis, où il continuait mardi soir sa tournée de remerciements à ses électeurs, le président élu a ainsi assuré que Rex Tillerson "avait la vision et les talents nécessaires pour revenir sur des années de bourdes et de désastres en matière de politique étrangère".
"Nous avons besoin d'une nouvelle direction", a insisté Trump devant ses partisans: "au lieu de bondir sans réfléchir d'une intervention (NDLR: militaire) à une autre, mon administration va bâtir une stratégie à long terme pour plus de stabilité, de prospérité et de paix et pour reconstruire notre propre pays".
M. Tillerson, 64 ans, connaît très bien la Russie, où il a conclu de nombreux contrats depuis les années 1990, avant de prendre en 2006 la direction du premier groupe pétrolier mondial coté en Bourse. Il a au fil des ans développé une relation personnelle avec le président russe Vladimir Poutine. Le Kremlin a d'ailleurs immédiatement salué un "professionnel" qui a "de bonnes relations de travail" avec le chef de l'Etat russe.
Mais ce choix risque de se heurter à l'opposition du Sénat, qui devra confirmer cette nomination ministérielle, au moment où Moscou est accusé par la CIA d'avoir interféré dans la présidentielle américaine du 8 novembre en faveur de Donald Trump.
'Moment crucial de notre histoire'
En faisant de ce puissant homme d'affaires la voix et le visage de la diplomatie américaine, le président élu confirme qu'il veut amorcer une détente avec la Russie. Après une tentative de "reset" (relance, Ndlr) lancée en 2009 par le président Barack Obama et sa secrétaire d'Etat de l'époque Hillary Clinton, les relations américano-russes sont tombées au plus bas ces dernières années avec l'annexion de la Crimée et la guerre en Syrie.
"Je ne peux imaginer une personne mieux préparée et aussi dévouée pour servir en tant que secrétaire d'Etat à ce moment crucial de notre histoire", s'était félicité M. Trump dans un communiqué en annonçant la nomination de M. Tillerson.
Avec Rex Tillerson, Donald Trump, qui remplacera Barack Obama à la Maison Blanche le 20 janvier, s'est aussi réjoui d'avoir choisi l'un des plus "grands dirigeants d'entreprise du monde" pour succéder au démocrate John Kerry, à la tête du département d'Etat depuis février 2013.
Cette nomination a été immédiatement défendue par de nombreux conservateurs, en prévision du débat qui s'annonce rude au Sénat, où des auditions et un vote de confirmation devraient être organisés dès janvier.
Les démocrates sonnent l'alarme et le sénateur Bernie Sanders a déjà annoncé qu'il voterait contre lui. Certains républicains qui considèrent Moscou comme un ennemi ont également émis des réserves, à l'image de John McCain ou Marco Rubio.
La marge de manoeuvre est faible, car la majorité républicaine au Sénat est seulement de 52 sièges sur 100.
John Kerry, qui s'en va sans avoir pu arrêter le carnage en Syrie, malgré des années de négociations avec la Russie, s'est contenté de "féliciter" son successeur désigné et de lui garantir une "transition sans encombre".
L'enjeu fondamental du moment est la relation Washington-Moscou, mais Rex Tillerson aura aussi à traiter avec la Chine.
Anna Wintour et Kanye West
Depuis le début du mois, Donald Trump a multiplié les déclarations menaçant de rompre le fragile équilibre des relations entre les Etats-Unis et la Chine, en particulier sur la très sensible question de Taïwan. Pékin a d'ailleurs lancé sa plus sévère mise en garde à ce jour, avertissant que toute personne qui menacerait les intérêts de Pékin à Taïwan "soulèverait un rocher qui lui écraserait les pieds".
Plus tard dans la journée, M. Trump a reçu dans sa tour à Manhattan le milliardaire philanthrope Bill Gates, qui vient de lancer avec d'autres riches donateurs un nouveau fonds pour investir dans des technologies propres.
Le fondateur de Microsoft a déclaré "avoir eu une bonne conversation sur l'innovation, comment elle peut aider dans la santé, l'éducation, l'impact de l'aide étrangère et l'énergie".
Mercredi, le futur président prévoit d'enchaîner en accueillant des dirigeants de plusieurs grands groupes du secteur technologique, dont Jeff Bezos d'Amazon, Tim Cook d'Apple, Larry Page et Eric Schmidt d'Alphabet (Google), ou encore Elon Musk de Tesla et SpaceX.
Plus anecdotique, le président élu a également reçu Anna Wintour, la patronne du magazine Vogue, qui avait pourtant soutenu Hillary Clinton durant la campagne, ainsi que l'excentrique rappeur Kanye West, tout juste sorti de l'hôpital où il était soigné pour une crise psychotique: les deux hommes ont simplement parlé "de la vie", a dit M. Trump aux journalistes en le raccompagnant dans le hall d'entrée de sa tour new-yorkaise.
Avec AFP