Cette rencontre, annoncée lundi, aura lieu en marge d'un sommet du G20 et sera la première entre les deux présidents depuis le putsch manqué du 15 juillet en Turquie, qui a créé des tensions entre les deux pays. Ankara exige l'extradition de l'ex-imam Fethullah Gülen, exilé aux Etats-Unis et accusé d'avoir ourdi cette tentative de coup d'Etat.
Ces tensions ont encore été accrues par l'opération "Bouclier de l'Euphrate", lancée mercredi par Ankara contre les combattants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et des YPG (Unités de protection du peuple kurde), en même temps que contre les djihadistes de l'EI en Syrie, pays ravagé par un conflit complexe qui a fait plus de 290.000 morts depuis 2011.
M. Erdogan a confirmé lundi, dans un communiqué, que l'offensive se poursuivrait jusqu'à "la fin de la menace de l'EI, du PKK et des YPG".
Des avions de combat turcs ont bombardé lundi des positions du PKK dans le nord de l'Irak, dans la région de Gara, a rapporté l'agence de presse progouvernementale Anadolu.
Ankara a également prévenu que la Turquie continuerait de frapper les combattants kurdes syriens dans le nord de la Syrie tant qu'ils ne seraient pas revenus à l'est de l'Euphrate en Syrie.
"Les YPG, comme les Etats-Unis l'ont promis (...), doivent repasser à l'est de l'Euphrate dès que possible et tant qu'elles ne le feront pas elles (resteront) une cible", a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu.
La Turquie, en conflit avec les Kurdes dans le pays, veut éviter que les Kurdes syriens ne forment une frontière continue le long de sa frontière avec la Syrie, en s'étendant vers l'ouest.
"Le but de l'opération est de nettoyer la région de l'EI et d'empêcher le PYD (Parti de l'Union démocratique) et les YPG de mettre en place un couloir de bout en bout" qui "diviserait la Syrie", a affirmé le vice-Premier ministre turc Numan Kurtulmus, cité par la chaîne de télévision turque NTV.
Ankara considère les YPG et le parti auquel ils sont rattachés, le PYD, comme des organisations "terroristes", bien qu'ils soient épaulés par Washington, allié traditionnel de la Turquie.
- 'Nettoyage ethnique' -
"Dans les endroits où elles se rendent, les YPG forcent tout le monde à migrer, y compris les Kurdes qui ne pensent pas comme elles, et procèdent à un nettoyage ethnique", a accusé M. Cavusoglu.
Mais l'émissaire présidentiel américain auprès de la coalition internationale antidjihadiste, Brett McGurk, a qualifié lundi les affrontements entre la Turquie et les forces arabo-kurdes soutenues par les Etats-Unis d'"inacceptables", appelant toutes les parties à "cesser" les combats.
"Nous appelons les deux parties (...) à continuer à concentrer leurs efforts sur le groupe Etat islamique, c'est la base de notre coopération avec elles", a renchéri le secrétaire américain à la Défense Ashton Carter.
Il s'est montré optimiste sur les chances d'éviter une confrontation entre les deux alliés de Washington. "Du moment que les forces turques restent où elles sont", près de la frontière turque, et que les milices kurdes syriennes se retirent à l'est de l'Euphrate comme convenu avec Washington, "elles ne devraient pas entrer en conflit", a-t-il déclaré.
Un haut responsable américain a assuré sous couvert d'anonymat que les milices kurdes YPG soutenues par les Etats-Unis étaient revenues à l'est de l'Euphrate en Syrie, conformément à la demande du gouvernement turc.
- 61 frappes -
L'armée turque a annoncé avoir ouvert le feu à 61 reprises sur 20 cibles dans le nord de la Syrie au cours des dernières 24 heures, sans préciser quels groupes étaient visés.
Par ailleurs, trois roquettes ont été tirées lundi sur la ville frontalière de Kilis (sud-est) à partir des territoires contrôles par l'EI, blessant cinq personnes, a rapporté NTV, qui a précisé que l'armée turque avait répliqué.
Dimanche, l'armée turque avait affirmé avoir tué "25 terroristes kurdes", après avoir essuyé la perte d'un premier soldat au sol.
De son côté, l'Observatoire syrien des droits de l'homme avait affirmé que les bombardements turcs en Syrie avaient provoqué la mort d'au moins 40 civils, des allégations fermement démenties par Ankara, qui assure que l'armée prend "toutes les mesures nécessaires pour éviter de toucher la population civile".
Le Conseil militaire de Jarablos, lié aux Forces démocratiques syriennes pro-Kurdes, a annoncé dans un communiqué que ses forces s'étaient retirées au sud de la rivière Sajur (20 km au sud de Jarablos) "pour protéger la vie des civils". Si cette décision va dans le sens des demandes d'Ankara, elle maintient toutefois les combattants affiliés aux FDS à l'ouest de l'Euphrate.
Sur le front diplomatique, le ministère syrien des Affaires étrangères a condamné "les violations, les agressions et les massacres commis par le régime turc", les qualifiant de "crimes contre l'Humanité", dans une lettre adressée à l'ONU et relayée par l'agence officielle de presse syrienne Sana.
Avec AFP