Leur retrait est la conséquence d'un accord négocié dans la nuit avec l'aide de la puissante armée pakistanaise, qui de l'avis des analystes représente une véritable capitulation pour le gouvernement. Visiblement embarrassé, ce dernier n'avait toujours pas réagi lundi en fin de journée, pas plus que l'armée.
La levée du sit-in, annoncée dans la matinée par le chef de file du mouvement islamiste, Khadim Hussain Rizvi, a commencé dans l'après-midi de lundi, permettant à la vie de reprendre petit à petit son cours dans cette périphérie d'Islamabad occupée trois semaines durant par quelque 2.000 manifestants.
De premiers groupes de protestataires, leurs affaires roulées dans des sacs en plastique, commençaient à se diriger vers les stations de bus, ont constaté des journalistes de l'AFP. Les commerces à proximité rouvraient progressivement et des motos zigzaguaient dans la foule.
"Toutes nos revendications seront honorées", leur avait auparavant lancé le mollah à la longue barbe grise, assurant avoir obtenu des "garanties" en ce sens de l'armée pakistanaise.
La démission du ministre, Zahid Hamid était la principale exigence des protestataires, membres d'un groupe religieux peu connu, le Tehreek-i-Labaik Yah Rasool Allah Pakistan (TLYRAP).
M. Hamid a présenté sa démission au Premier ministre Shahid Khaqan Abbasi pour conduire le pays hors de la crise", a affirmé lundi l'agence de presse APP, citant des sources officielles. L'intéressé n'a pas confirmé.
A la base de la grogne des islamistes, un amendement modifiant à la marge la formulation du serment prononcé par les candidats à des élections, dans lequel ils reconnaissent que Mahomet est le dernier prophète.
Les fondamentalistes du TLYRAP y ont vu une tentative d'infléchir la loi très controversée sur le blasphème pour permettre aux Ahmadis, une secte musulmane non reconnue officiellement, de prêter serment. Les Ahmadis, persécutés de longue date, croient que Mahomet n'est pas le dernier des prophètes.
"Notre but était de devenir des martyrs pour l'honneur du prophète et nous avons combattu sans crainte", a commenté Mehboob Ahmed, 19 ans, l'un des manifestants d'Islamabad, qui s'est dit "triste" de ne pas être lui-même mort en martyr.
L'armée négocie
Après des semaines de négociations infructueuses, une tentative des forces de l'ordre de déloger les manifestants à coups de gaz lacrymogènes samedi avait échoué, faisant 7 morts et plus de 200 blessés et le gouvernement s'était résolu à se tourner vers l'armée.
Appelée samedi soir en renfort pour aider à "maintenir l'ordre" à Islamabad, elle s'est impliquée dans les négociations avec les manifestants, dont elle a paraphé l'accord final, qui prévoit le départ du ministre et d'autres clauses.
Un accord sur lequel la Haute cour d'Islamabad a fait part de "sérieuses réserves", s'interrogeant notamment sur le rôle des généraux l'ayant signé, qui se trouvaient alors "au-delà du mandat" que confère la Constitution pakistanaise à l'armée.
Cette issue au conflit constitue un revers cinglant pour le gouvernement, qui ressort affaibli de ce long bras-de-fer.
"Politiquement, c'est très embarrassant pour le (parti au pouvoir) PML-N", juge l'analyste Hasan Askari, interrogé par l'AFP.
Le gouvernement "a dû céder. Il s'est retrouvé sans alternative car sa tentative de les déloger a échoué et parce que le conseil de l'armée était aussi de chercher une issue politique", souligne l'analyste Hasan Askari, interrogé par l'AFP. La crise a ainsi "renforcé les groupes de musulmans conservateurs", relève-t-il.
Elle intervient de plus à un moment difficile pour le pouvoir civil, quelques mois après la chute pour corruption du Premier ministre Nawaz Sharif, et avant des élections législatives en 2018 qui s'annoncent incertaines.
L'actuel gouvernement, mené par un fidèle de M. Sharif, Shahid Khaqan Abbasi, est depuis des semaines sous le feu des critiques pour sa maladresse et sa lenteur dans la gestion de la crise, perçues comme une manifestation de faiblesse à l'égard de mouvements extrémistes en plein essor.
Avec AFP