John Williams Ntwali, 44 ans, rédacteur en chef du journal The Chronicles, est mort le 18 janvier lorsqu'un véhicule a percuté la moto sur laquelle il se trouvait en tant que passager près de la capitale Kigali. Le conducteur impliqué dans l'accident a été placé en garde à vue.
"Cependant, deux semaines après l'accident présumé, les autorités rwandaises n'ont toujours pas fourni de rapport de police, précisé le lieu exact de l'accident présumé, montré de preuves photographiques ou vidéos ou fourni d'informations détaillées sur les autres personnes qui auraient été impliquées dans cet accident", affirment dans un communiqué 90 organisations de défense des droits humains, principalement africaines. Le journaliste était, selon le communiqué, "régulièrement menacé et attaqué dans les médias pro-gouvernementaux pour son travail d'investigation".
"Le dossier de l'accident de Ntwali a été transmis au parquet. On ne peut plus le commenter", a déclaré mardi à l'AFP John Bosco Kabera, porte-parole de la police. Dans un tweet le 23 janvier, la porte-parole du gouvernement Yolande Makolo avait évoqué des "insinuations sans fondement", avant de poursuivre: "Laissez les enquêteurs faire leur travail".
"Ntwali", comme beaucoup l'appelaient, avait été placé de nombreuses fois en prison au cours de sa carrière – parfois pour quelques heures, parfois plusieurs semaines. Il avait fondé la chaîne Pax TV sur YouTube, diffusant majoritairement des interviews, en langue kinyarwanda, de voix dissidentes.
Les organisations de la société civile, parmi lesquelles figurent également Human Rights Watch et Amnesty International, affirment en outre que "les autorités rwandaises ont systématiquement failli à leur obligation de mener des enquêtes crédibles sur les morts suspectes d'opposants politiques ou de personnalités critiques du gouvernement".
Depuis la fin du génocide de 1994, qui a fait au moins 800.000 morts principalement tutsi, le Rwanda est dirigé d'une main de fer par Paul Kagame. Loué pour les succès de sa politique de développement, le président est également critiqué par les groupes de défense des droits humains pour sa répression de la liberté d'expression.
Le pays est classé au 136e rang sur 180 pays pour la liberté de la presse par Reporters sans Frontières (RSF). "Depuis 1996, huit professionnels ont été tués ou sont portés disparus, et 35 ont été contraints à l'exil", écrit notamment RSF sur son site internet. Ces dix dernières années, les médias indépendants se sont raréfiés, bloqués par le pouvoir.