Un objectif qui perdure néanmoins: le sommet annuel de l'organisation panafricaine, qui doit se dérouler dimanche et lundi à Addis Abeba en présence des chefs d'Etat et de gouvernement des 55 membres de l'UA, a pour thème "Faire taire les armes".
Des progrès ont certes été enregistrés dernièrement en Centrafrique ou au Soudan mais, du Cameroun au Mozambique, de nouvelles crises sont venues s'ajouter à celles qui déchirent déjà des pays comme la Libye ou le Soudan du Sud.
S'adressant jeudi aux ministres africains des Affaires étrangères, le président de la Commission de l'UA Moussa Faki a dressé un portrait peu flatteur de la situation du continent, du Sahel à la Somalie, assurant que l'objectif manqué de 2020 révélait "la complexité de la problématique sécuritaire en Afrique".
Estimant que "les armes sont de plus en plus bruyantes", Solomon Dersso, chef de l'organe de l'UA en charge des droits de l'homme, a été plus loin dans un éditorial cette semaine dans le journal sud-africain Mail&Guardian: "Cela ressemble à un pied de nez au thème de l'année".
Le président sud-africain Cyril Ramaphosa, qui succède à l'Egyptien Abdel Fattah al-Sissi à la tête de l'UA dans le cadre de la présidence tournante, semble conscient que la tâche s'annonce difficile.
Dans un discours fin janvier, il a rappelé que les conflits "continuent de limiter" le développement de l'Afrique, estimant que les objectifs d'intégration économique et de lutte contre les violences faites aux femmes "passent par la promotion d'une Afrique sûre et en paix".
D'autres insistent sur la nécessité de s'attaquer aux causes profondes des conflits. "Si on veut régler ce problème, on parle de défis socio-économiques profonds, on parle de défis politiques en plus de défis sécuritaires", a soutenu Oussama Abdelkhalek, ambassadeur d'Egypte auprès de l'UA.
- Influence en Libye -
L'organisation africaine souhaite de fait s'affirmer sur plusieurs dossiers et tente notamment de peser davantage dans la résolution du conflit en Libye, pays plongé dans le chaos depuis 2011.
En amont d'une conférence à Berlin en janvier, une porte-parole de M. Faki s'était plainte du fait que l'UA avait "systématiquement été ignorée" sur le dossier libyen, géré principalement par l'ONU.
Mais les efforts de l'UA concernant la Libye ont été minés par ses propres dissensions internes remontant à 2011, lorsque les membres africains du Conseil de sécurité de l'ONU avaient approuvé une intervention militaire alors que le Conseil de paix et de sécurité de l'UA s'y opposait.
Une source nigérienne a expliqué récemment que l'UA était "divisée", soulignant par exemple que l'Egypte --un poids-lourd du continent et soutien du maréchal Haftar, l'homme fort de l'Est libyen-- "ne veut pas que l'UA se charge de ce dossier".
Pour expliquer le manque de poids de l'UA dans ce dossier, Shewit Woldemichael, un chercheur de l'Institute for Security Studies, note par ailleurs que "la crise en Libye (...) a été présentée comme une crise qui se déroule aux portes de l'Europe, et qui nécessite une réponse directe des pays européens".
- Conseil de sécurité -
L'autre conflit auquel M. Ramaphosa entend s'atteler est celui au Soudan du Sud. Un accord de paix a été conclu en 2018, sous l'égide de l'organisation est-africaine Igad mais la formation d'un gouvernement d'union nationale ne cesse d'être repoussée.
Le week-end dernier, le président sud-soudanais Salva Kiir a rencontré M. Ramaphosa en Afrique du Sud alors que le vice-président sud-africain David Mabuza joue un rôle actif dans les négociations sur la formation du gouvernement.
"C'est une opportunité pour M. Ramaphosa de démontrer son intérêt à s'atteler à ces questions, au-delà de la rhétorique de ses déclarations publiques", estime Piers Pigou, consultant pour l'Afrique australe pour le groupe de réflexion International Crisis Group.
La présidence de l'UA coïncide pour l'Afrique du Sud avec un siège temporaire au Conseil de sécurité de l'ONU, lui donnant la possibilité de faire entendre la voix du continent sur la scène mondiale.
Dans un rapport publié vendredi, l'ICG estime que M. Ramaphosa pourrait devoir jongler avec les sensibilités de dirigeants africains, qui "semblent de nos jours plus réticents aux promesses de paix collectives".